Nvidia, Google, Amazon, Intel, AMD, IBM et Qualcomm. Cette liste prestigieuse des champions de l’intelligence artificielle, que ce soit grâce à leurs composants ou leurs capacités cloud, est celle des nouveaux investisseurs de Hugging Face, l’un des principaux acteurs de l’IA open source. L’ensemble de ces groupes ont participé à un tour de table, annoncé ce jeudi et mené par Salesforce Ventures, de 235 millions de dollars. Cette opération fait plus que doubler la valorisation de cette entreprise, créée par des Français et opérant entre Paris et New York. Elle vaut désormais 4,5 milliards de dollars.

Hugging Face, du nom de cet émoji qui tend les bras pour faire un câlin, était jusque-là financée par des fonds américains. Sa dernière levée, de 100 millions de dollars, datait de mai 2022. «Pour ce nouveau tour, nous souhaitions réunir un grand nombre d’acteurs-clé de l’intelligence artificielle. Ce sont des groupes avec lesquels nous avons déjà des partenariats», explique Julien Chaumond, co-fondateur et directeur de la technologie.

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Début août, Nvidia a ainsi annoncé que des services d’Hugging Face allaient être hébergés sur son cloud DGX, qui abrite des supercalculateurs spécialisés dans l’IA. «Cette collaboration va permettre aux entreprises de prendre leur destin dans l’IA en main grâce à l’open source», commentait alors le directeur général Clément Delangue. Hugging Face à des accords similaires avec Amazon.

Mais contrairement à certaines levées qui se traduisent par l’obligation pour les start-up de reverser une partie de l’argent récolté en hébergement cloud, Hugging Face n’a aucune contrainte de dépenses chez ses nouveux investisseurs. «Et, à l’exception de Salesforce Ventures, leurs tickets sont identiques», souligne Julien Chaumond. Sound Ventures, la société de capital-investissement de l’acteur américain Ashton Kutcher, participe aussi au tour de table.

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Inconnu du grand public, Hugging Face est une plateforme de partage spécialisée dans l’IA et le machine learning. Des développeurs du monde entier peuvent y déposer des modèles pré-entraînés ou des jeux de donnés, qui seront réutilisés, adaptés et améliorés par d’autres. Le laboratoire d’IA de Meta a par exemple choisi Hugging Face pour héberger Llama 2, son dernier modèle de langue. Et des groupes comme Renault, Pzifer ou Roche piochent dans cette bibliothèque open source pour concevoir leurs services dopés à l’IA sans avoir à commencer de zéro.

Cette approche est à l’opposé de celle de OpenAI, qui vend l’accès à la puissance de son modèle de langage GPT-4 mais empêche les entreprises de soulever le capot. Clément Delangue avait pu exprimer ses vues sur ces différences d’orientation lors d’une audition en juin au Congrès américain, qui menait une mission d’information sur les développements de l’IA.

Les ingénieurs de Hugging Face participent à cette recherche collaborative. La nouvelle levée de fonds va permettre de faire grossir les équipes. La société compte à ce jour 170 salariés, dont 80 travaillent en France. «Nous avons ouvert plusieurs petits bureaux dans le pays, ainsi qu’en Europe et aux États-Unis», indique Julien Chaumond. Hugging Face réussit à attirer des profils attirés par l’esprit open source de l’entreprise. «Mais il y a en ce moment beaucoup d’investissements dans les start-up de l’IA», comme les 105 millions de dollars levés par le Français Mistral AI (voir page 26), «et c’est sur ces nouveaux projets que se joue la compétition pour attirer les talents», poursuit le directeur technique.

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L’argent levé va aussi renforcer la trésorerie de l’entreprise et lui permettre d’envisager des acquisitions. «Mais il n’y a pas de plans spécifiques pour le moment», précise Julien Chaumond. Hugging Face, qui vend également des services aux entreprises, ne communique pas sur ses revenus. Mais selon The Information, ils devraient être de 30 millions de dollars pour l’année 2023.