Le Sénat a adopté mardi plusieurs mesures de régulation du marché des meublés touristiques comme Airbnb, une initiative transpartisane pour redonner du pouvoir aux maires, s’attaquer à une niche fiscale décriée et répondre partiellement à la crise du logement. La proposition de loi portée par les députés Annaïg Le Meur (Renaissance) et Iñaki Echaniz (Parti socialiste), déjà adoptée par l’Assemblée nationale, a reçu un accueil unanime à la chambre haute, même dans les rangs de la droite majoritaire.

Pourtant Les Républicains (LR) s’y étaient opposés très largement à l’Assemblée nationale, invoquant notamment la défense des «petits propriétaires». Mais leurs collègues sénateurs ont atténué certaines mesures, suffisamment tout du moins pour qu’il se dégage un consensus dans la «chambre des territoires». Avec l’objectif partagé de donner aux élus locaux des clés pour réguler la prolifération des meublés touristiques, accusés parfois de nuire à la location de longue durée. «Il en va de notre responsabilité de permettre aux Français de se loger dans les territoires les plus tendus, les plus touristiques», a plaidé le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, qui souhaite «rétablir de l’équité».

La mesure la plus emblématique est d’ordre fiscal : le texte de l’Assemblée propose de réduire à 30% le taux d’abattement sur les revenus issus des locations des meublés de tourisme, contre 71% ou 50% actuellement. De nombreux élus, notamment en bord de mer ou dans les grandes villes, s’alarment en effet de la pénurie de logements dans leurs territoires et ciblent l’explosion du nombre d’Airbnb, favorisée par une fiscalité très avantageuse.

Plus réticent, le Sénat a légèrement atténué la mesure en commission à l’initiative de la droite, en maintenant un abattement de 50% pour les seuls meublés classés, pour «conserver un caractère incitatif au classement» de ces logements touristiques. Mais des sénateurs de tous bords tenteront dans la soirée d’aller plus loin à travers divers amendements. «Dans une période de grave crise du logement, rien ne justifie qu’on conserve cette niche fiscale», martèle le communiste Ian Brossat, ex-adjoint au Logement à la mairie de Paris. L’exécutif est resté flou sur ce point mardi, Guillaume Kasbarian se contentant d’estimer que «le statu quo n’est pas satisfaisant», sans se positionner clairement.

De son côté, Airbnb s’est dit ouvert à des modifications fiscales mais a appelé les sénateurs «à mieux cibler ces mesures pour s’attaquer spécifiquement à la spéculation», a déclaré Clément Eulry, directeur d’Airbnb France. Les demandes de la plateforme ont d’ailleurs été entendues sur un article clé : à l’initiative de la droite, le Sénat a supprimé la possibilité pour les maires d’abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée. «N’en déplaise à certains, le droit de propriété s’applique en France. 120 jours, c’est la possibilité pour certains de joindre les deux bouts», a martelé la sénatrice LR Anne Chain-Larché.

Si le ministre s’est dit «partagé» sur le sujet, la gauche a regretté un «retour en arrière». «On retiendra que le Sénat ne fait pas confiance aux maires», a raillé le socialiste Rémi Féraud. À droite, une voix a été dissonante : celle du sénateur basque Max Brisson (LR). «Je me demande ce qu’est une résidence principale quand elle est louée quatre mois dans l’année», s’est-il insurgé. Les sénateurs ont également allongé le délai laissé aux propriétaires de meublés touristiques pour se conformer aux exigences de décence énergétique: l’étiquette énergétique classée D ne sera nécessaire qu’en 2034, alors que l’Assemblée nationale avait de son côté plaidé pour une échéance à l’horizon 2029.

Le Sénat a par ailleurs approuvé la généralisation d’un numéro d’enregistrement attribué à toute location d’un meublé de tourisme, utile pour assurer un meilleur contrôle de ces logements sur un territoire. Malgré le soutien très large du Sénat, plusieurs parlementaires ont alerté sur le champ restreint du texte. «L’essor des meublés de tourisme est loin de résumer l’ampleur du déséquilibre du marché locatif actuel», a prévenu la rapporteure LR Sylviane Noël, appelant à une «réflexion globale» qui devrait se poursuivre lors de l’examen du projet de loi logement à partir du 17 juin au Sénat.