Protéger les internautes européens des dérives du numérique : telle est l’ambition du Digital Services Act, un règlement européen adopté en juillet 2022 et dont certaines dispositions entrent en vigueur dès ce vendredi pour des géants tels que Meta, Amazon, Google, TikTok ou Twitter.
Ce texte, touffu, impose une série d’obligations aux réseaux sociaux, moteurs de recherche et sites d’e-commerce. Beaucoup se passeront dans les coulisses de ses entreprises. Mais les internautes européens vont aussi bénéficier de nouveaux droits et de fonctionnalités inédites sur les services en ligne les plus populaires. Le Figaro fait le point.
PODCAST – Qu’est-ce que le Digital Services Act et que change-il pour nous ?
Le Digital Services Act met fortement l’accent sur la nécessité pour les plateformes de mieux modérer les contenus illégaux qui circulent sur leurs services. La Commission sera attentive au nombre de modérateurs employés et si les langues « rares » de l’Union, comme le roumain ou le finlandais, ne sont pas sous-traitées par rapport au français ou à l’espagnol.
Du côté des internautes, deux nouveautés majeures vont faire leur apparition. Tout d’abord, réseaux sociaux, sites d’e-commerce et plateformes vidéo comme YouTube devront grandement faciliter le signalement par les utilisateurs des contenus problématiques (menaces, pornographie, terrorisme, cyberharcèlement, insultes…). Aujourd’hui, ces boutons ne sont pas toujours trouvables facilement. Et les formulaires à remplir ne sont pas des plus explicites… Le DSA met fin à cela, et oblige aussi les plateformes à tenir l’internaute au courant des suites du traitement de son signalement.
Le texte européen protège également les internautes des erreurs de jugement des modérateurs. Les utilisateurs devront obligatoirement être notifiés dès qu’une de leur publication est supprimée, que la visibilité de leurs comptes est réduite ou bien que l’on leur retire certaines fonctionnalités (par exemple, l’envoi de messages privés). Et la plateforme devra expliquer pourquoi elle a pris cette décision. Grâce au DSA, l’internaute « modéré » aura la possibilité de contester la sanction et de demander un nouvel examen de son dossier.
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C’est l’obligation du Digital Services Act qui sera la plus visible pour les internautes. Dès vendredi, les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Pinterest, TikTok et Instagram devront offrir à leurs utilisateurs européens une alternative à leur fil d’actualités, dont les contenus sont actuellement sélectionnés et hiérarchisés par des intelligences artificielles en fonction du profil de l’internaute.
Ce tri personnalisé, dit algorithmique, fait l’objet de toutes les critiques. Il rendrait non seulement ces services addictifs, mais ils plongeraient aussi les utilisateurs dans un trou sans fin de contenus de plus en plus extrêmes. Quelques clics seulement peuvent séparer la recherche de conseils pour perdre du poids aux vidéos promouvant l’anorexie…
Les Européens pourront choisir de désactiver ce flux personnalisé. Ne s’afficheront plus sur Facebook et Instagram que les publications des comptes auquel l’internaute est déjà abonné, et ces derniers seront classés dans l’ordre chronologique, du plus récent au plus ancien. Exit les « vidéos suggérées » provenant de parfaits inconnus. Et les photos d’amis que l’algorithme estimait peu digne d’intérêt retrouveront leur place sur l’application.
C’est sur TikTok que le changement sera le plus grand. Si l’internaute le souhaite, le redoutable fil « Pour toi », composé de vidéos finement sélectionnées en fonction de ses intérêts, laissera place aux vidéos les plus populaires en France. Il sera peut-être plus facile de décrocher de l’application chinoise…
L’examen au Parlement européen du Digital Services Act en 2021 avait donné naissance à une proposition qui avait fait à l’époque grand bruit : interdire toute forme de publicité ciblée sur internet, sauf si l’internaute le désire. Ce scénario, qui avait donné des sueurs froides à tout l’écosystème numérique, a accouché de règles bien plus modérées.
Le texte final ne sévit qu’à l’encontre de certaines formes de ciblage publicitaire jugées trop dangereuses. Il devient ainsi interdit pour les marques et organismes de chercher à atteindre les internautes en fonction de leurs opinions politiques, de leur religion, de leur orientation sexuelle, de leurs origines ethniques ou de leur état de santé.
Le DSA interdit également le ciblage publicitaire hautement personnalisé chez les internautes de moins de 18 ans. Pas question, par exemple, d’exploiter les thématiques des vidéos les plus regardées par un lycéen sur TikTok pour le bombarder de réclames pour des baskets ou du maquillage. Mais il serait ridicule de montrer à des collégiens des publicités pour des assurances-habitation ou des couches pour bébés… Les annonceurs garderont donc la possibilité d’activer un ciblage sur le public adolescent, en fonction de leur âge et de leur pays de résidence. Mais sans aller plus loin. Le groupe Meta s’est mis en conformité sur ce point dès janvier.
Pourquoi je ne vois jamais les stories de mes cousins ? Pourquoi mes résultats de recherche sur Amazon sont différents de ceux de mon conjoint ? Pourquoi certains commentaires sont plus mis en avant que d’autres sur Facebook ? Les systèmes de tri des contenus des plateformes numériques, qu’il s’agisse de réseaux sociaux, de sites d’e-commerce ou de moteur de recherche, sont un objet méconnu des internautes. Le Digital Services Act impose à ces services de faire preuve de transparence : le règlement les oblige à en expliquer le fonctionnement dans un langage clair et accessible à tous.
C’est pourquoi Google a mis en ligne cette semaine un site nommé Centre pour la transparence sur lequel il détaille « les paramètres, les facteurs et les signaux qui influencent » les résultats de recherche et les recommandations sur Google Play, Google Voyage, YouTube ou Google Discover.
Meta a lui aussi publié un guide encore plus détaillé – tout en restant pédagogique – expliquant comment sont classées les stories, ou comment ses intelligences artificielles affinent au fil du temps la sélection des publications qui remontent haut sur le fil d’actualité. Les plateformes doivent aussi mettre en avant les options dont leurs utilisateurs disposent pour influer sur ces recommandations, et même les stopper.