Alors que la Santé est une préoccupation majeure des Français, il n’y plus de ministre de la Santé de plein exercice… les professionnels du secteur s’inquiètent de se retrouver noyés dans un méga ministère social avec le Travail et les Solidarités, confié à Catherine Vautrin. Certes, l’ex-ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher sera nommée ministre déléguée à la Santé et secondera Catherine Vautrin sur ce dossier sensible. HEC, énarque, Agnès Panier-Runacher, qui s’est forgé une réputation de sérieux sur les questions industrielles et énergétiques, n’est pas totalement étrangère aux questions de santé. Dans les années 2000, elle a occupé les fonctions de directrice de cabinet de Rose-Marie Van Lerberghe alors directrice générale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et fut spécifiquement chargée de la mise en œuvre du plan hôpital 2007.

Mais le monde de la santé ne cache pas sa déception et son inquiétude, craignant que l’intégration du système de santé au sein d’un ministère aussi large ne fasse oublier les spécificités de celui-ci. Et ce, même si la Santé, dans une équipe resserrée, remonte dans l’ordre protocolaire du gouvernement à la troisième place, juste derrière Bruno Le Maire (Économie, Finances, Souveraineté industrielle et numérique) et Gérald Darmanin (Intérieur et Outre-mer). Pour autant, l’expérience a montré les limites d’un ministère mastodonte. Dans son Journal publié en octobre l’ancienne ministre de la santé et des solidarités Agnès Buzyn témoigne de son agenda impossible, prise entre milles feux, obligée en pleine tempête Covid, de gérer la grève des hôpitaux et la crise des urgences, tout en négociant en même temps la réforme des retraites avec les partenaires sociaux et en défendant à l’Assemblée la loi bioéthique… «Je suis médecin hospitalier, j’ai fait des centaines de gardes dans ma vie, j’ai l’habitude de travailler beaucoup. Mais je veux rétablir auprès de l’opinion publique, qui voit souvent la vie de ministre comme un travail mondain, qu’il y a énormément de travail», confiait-elle au Figaro.

«Ministre de la santé, c’est un travail à plein temps», souligne le syndicat de jeunes médecins Reagjir. «Seul un plan global et ambitieux pour la médecine de ville et plus largement le système de santé permettra de changer la donne», affirment les jeunes médecins, qui appellent à un «new deal». «Nous resterons extrêmement vigilants afin que la Santé ait une place prioritaire et centrale dans ce grand ministère», avance prudemment Franck Devulder, président du syndicat de médecins CSMF. Beau joueur, Arnaud Robinet, maire (Horizons) de Reims et président de la fédération hospitalière de France (FHF) – dont le nom circulait pour le ministère de la santé – a dit y voir le signe que les enjeux de santé et d’autonomie «feront l’objet d’un portage politique renforcé et tout à fait prioritaire».

Plus critique, le syndicat de praticiens hospitaliers APH ne mâche pas ses mots. «Alors que le premier ministre s’est engagé, lors de la passation de pouvoir, à agir au «renforcement de nos services publics […], la santé, et en premier lieu, l’hôpital »… la Santé se retrouve in extremis intégrée au milieu d’un grand ministère qui associera travail, santé et solidarités, confiée à une ministre dont le parcours professionnel et politique n’a jamais croisé le système de santé », regrette-t-il. Quant au syndicat UFML-S, il interprète carrément cette double nomination de responsables politiques à la carrière marquée, par des responsabilités autour de l’économie, l’industrie ou l’entreprise comme «un renforcement de la tutelle de Bercy, Bruno Lemaire apparaissant par trop comme le vrai ministre de la Santé».

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Il faut dire que Catherine Vautrin est le septième ministre de la Santé depuis 2017. Après trois médecins (Agnès Buzyn, Olivier Véran, François Braun), une secrétaire médicale (Brigitte Bourguignon), un ancien prof d’histoire (Aurélien Rousseau), et une pharmacienne (Agnès Firmin-le-Bodo), c’est donc une pure politique qui prend cette fois les rênes de l’avenue de Ségur. Et ce alors que le monde de la santé traverse une crise profonde et durable, confronté à la pénurie de médecins, la crise des urgences, le déficit des hôpitaux, l’envolée du trou de la Sécu ou encore le manque de reconnaissance de la médecine de ville en pleines négociations conventionnelles.