Envoyé spécial à Dacca

Un engagement en vue d’une commande de dix Airbus A350 par la compagnie nationale Biman Bangladesh Airlines, jusqu’ici cliente exclusive de Boeing, a été signé lundi à l’occasion de la visite au Bangladesh d’Emmanuel Macron. Le chef de l’État est arrivé dimanche soir à Dacca en provenance du sommet du G20 à New Delhi. Il s’agit de la première visite d’un président français dans le pays depuis François Mitterrand en 1990.

«Dans une région confrontée à un nouvel impérialisme, nous voulons proposer une troisième voie, sans aucune intention de brutaliser nos partenaires ni de les mener à une situation insoutenable», a déclaré Emmanuel Macron. L’allusion à la Chine, qui a étranglé des partenaires de la région, en particulier le Sri Lanka, sous une dette insupportable, est limpide.

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L’AFD (Agence française de développement) a par ailleurs signé une convention de financement avec le gouvernement portant sur 200 millions de dollars pour accompagner le développement de 86 municipalités (soit un quart de la totalité), notamment dans le domaine du traitement des déchets, de l’eau potable ou de l’évacuation des eaux de pluie. Ces trois dernières années, l’AFD a triplé son engagement (plus de 1,5 milliard d’euros de prêts à très faible taux), ce qui fait du Bangladesh le plus grand récipiendaire de prêts de l’Agence française sur la période.

Une lettre d’intention a également été signée entre Airbus Defence

Huitième puissance démographique du monde (170 millions d’habitants), le Bangladesh connaît une croissance économique dynamique (7% ces dernières années). Confronté à une baisse de ses réserves de change et à une inflation élevée ( 12% sur les produits alimentaires relève la presse locale – comme en France), le pays a obtenu le feu vert du FMI pour un prêt de 4,7 milliards d’euros. Sa dépendance au secteur textile et à l’envoi d’argent par la diaspora le rend vulnérable à la conjoncture internationale. Malgré cela, son PIB par habitant dépasse désormais celui de l’Inde, ce qui le classe, insiste-t-on dans l’entourage du président français, parmi «les pays émergents».

Après la Papouasie-Nouvelle Guinée, le Vanuatu et le Sri Lanka en début d’été, Emmanuel Macron poursuit ainsi son «offensive indo-Pacifique». Le Bangladesh entretient des relations commerciales avec les États-Unis, premier investisseur étranger, la Chine qui construit des infrastructures et son grand voisin indien. Quant à la Russie, partenaire historique depuis l’époque soviétique, elle est en train de construire la première centrale nucléaire du Bangladesh, un projet de Rosatom à 13 milliards de dollars financé à 90% par un prêt russe. Le ministère des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a d’ailleurs précédé Emmanuel Macron à Dacca, avant d’aller au sommet du G20. Il en a profité pour dénoncer «la pression des États-Unis et de leurs alliés sur le Bangladesh». Le marché bangladais de l’atome civil semble donc verrouillé: la France n’a pas encore instauré de coopération, même sur la recherche, dans ce domaine. En revanche, Paris mise sur les perspectives dans l’hydroélectricité, les énergies renouvelables ou encore l’agroalimentaire.

Le président français a été reçu à Dacca, plongée dans une chaleur moite de saison, par la première ministre Sheikh Hasina. Dans les rues de la capitale, des affiches à l’effigie des deux dirigeants pavoisent le passage du cortège officiel. Dans un pays qui a été secoué par les coups d’État, dans les années 80 notamment, Sheikh Hasina exerce son troisième mandat. Battue en 2006, elle a quitté le pouvoir, dans le respect de la démocratie, souligne l’Élysée, avant d’être réélue. L’opposition et la société civile dénoncent toutefois une dérive autoritaire de cette «dame de fer» du sud-est asiatique.

Pour signifier le «retour de la France», Emmanuel Macron a ravivé le souvenir de l’appel d’André Malraux, en 1971, à soutenir le peuple bangladais lors de la sanglante «guerre de libération» contre le Pakistan. L’écrivain français et ex-ministre de la Culture du général de Gaulle s’était rendu au Bangladesh deux ans plus tard, il y a un demi-siècle. Après avoir visité lundi matin la maison du père de la première ministre, premier président du Bangladesh, Sheikh Mujibur Rahman, assassiné en 1975, Emmanuel Macron a offert une photo retrouvée par l’INA d’André Malraux avec «le père de la Nation».

Le président français devait clore sa visite par une rencontre avec la société civile et des chercheurs pour évoquer notamment les effets du changement climatique potentiellement cataclysmiques. Une montée d’un mètre des océans submergerait un cinquième de ce pays de la taille de la Grèce mais parmi les plus densément peuplés du monde.