Signe de la priorité qu’elle veut donner à la santé, Élisabeth Borne a réalisé jeudi l’une de ses première sorties de rentrée au CHU de Rouen. L’occasion pour la première ministre d’annoncer plusieurs mesures de revalorisations salariales pour compenser la pénibilité du travail des soignants. Cet ensemble de mesures représente une dépense de 1 milliard d’euros en année pleine.
Tout d’abord, le travail de nuit des personnels non-médicaux (infirmières, aides-soignantes, etc.) va être revalorisé. Il sera payé 25 % de plus que le travail de jour. Actuellement, les soignants gagnent 1 euro de plus par heure travaillée la nuit, montant porté transitoirement à 2 euros par l’ex-ministre de la Santé François Braun dans le cadre des mesures d’urgence prises à l’été 2022. La revalorisation de 25 % sera «beaucoup plus avantageuse», car elle permettra de tenir compte des niveaux de salaire liés à l’ancienneté, assure Matignon. Concrètement, cette revalorisation du travail de nuit représentera un gain de 300 euros bruts pour une infirmière en milieu de carrière réalisant 10 à 12 nuits par mois, 235 euros pour une infirmière débutante et 495 euros si elle est en fin de carrière.
À lire aussi«Nous sommes épuisés»: après un nouvel été difficile, une rentrée à haut risque pour les urgences
L’exécutif mise sur ce «choc d’attractivité» pour recruter davantage de soignants. «Cette mesure est nécessaire, car la mauvaise rémunération du travail de nuit crée des difficultés pour trouver des soignants, ce qui nous oblige à fermer des lits et donc à réduire l’accès aux soins», justifie Matignon. Dans la même logique, la première ministre a aussi annoncé une revalorisation de 20 % du travail le dimanche et les jours fériés, ainsi qu’un alignement de la rémunération des astreintes entre public et privé.
Pour les médecins, quel que soit leur statut (public ou privé) l’exécutif a décidé d’augmenter de 50 % le tarif des gardes. Cette mesure se veut incitative, alors que «trop de soignants du public assument seuls la permanence des soins», déplore Matignon, qui veut que «les gardes soient mieux partagées et que dans tous les territoires tous les professionnels médicaux puissent y participer sur la base du volontariat». Pour un praticien en milieu de carrière qui fait quatre gardes par mois, le gain serait de 560 euros en plus.
Toutes ces mesures nouvelles seront inscrites dans le prochain budget de la Sécu pour une entrée en vigueur prévue le 1er janvier. D’ici là, les mesures Braun qui devaient s’achever au 31 août sont prorogées jusqu’au 31 décembre. «Le secteur privé associatif, qui était exclu depuis 2022 des mesures Braun, accueille avec soulagement ces annonces qui rétablissent une forme d’attractivité de nos établissements», a réagi Charles Guépratte, directeur général des hôpitaux privés non lucratifs.
La première ministre, qui a également profité de son déplacement à Rouen pour visiter une maison de santé et une pharmacie, a affirmé vouloir accélérer la stratégie du gouvernement pour le partage des tâches entre médecins et paramédicaux. Des mesures seront inscrites dans le PLFSS pour permettre l’accès direct (sans passer par le médecin) aux kinés, élargir les actes autorisés aux infirmières, ou encore permettre aux pharmaciens de prescrire directement (sans ordonnance) des antibiotiques en cas de cystite ou d’angine, après un test diagnostique rapide.
«Le partage des tâches, ce serait bien que cela fonctionne dans les deux sens. Les médecins réclament depuis des années de pouvoir avoir des vaccins dans le frigo de leur cabinet afin de les délivrer aux patients», grince Agnès Giannotti, généraliste à Paris et présidente de MG-France.
D’autant que les médecins libéraux attendent eux aussi un «choc d’attractivité» pour la médecine de ville et sont toujours en attente d’une reprise des négociations avec l’Assurance-maladie sur le tarif de la consultation. «Nous faisons du tarif à 30 euros un préalable», affirme la présidente de MG-France, qui sera reçue la semaine prochaine par le nouveau ministre de la Santé, Aurélien Rousseau.