Durant l’été 2020, de nombreux salariés du géant français du jeu vidéo Ubisoft avaient pris la parole sur les réseaux sociaux ou dans la presse pour témoigner de faits de harcèlement moral et sexuel, en Europe comme Outre-Atlantique. Trois ans et demi plus tard, le tribunal de Bobigny a décidé de poursuivre trois anciens responsables qui travaillaient au siège mondial d’Ubisoft, alors situé à Montreuil (Seine-Saint-Denis), révèle l’Informé. La date du procès sera fixée début février.

Une enquête de la police judiciaire avait débuté après une plainte déposée par deux victimes aux côtés du syndicat Solidaires Informatique. Au terme de celle-ci, les trois hommes sont soupçonnés d’avoir «fait régner une ambiance encourageant les propos et comportements dégradants et humiliants».

Les accusés travaillaient au sein du département «Édito». Ce service est chargé de fixer la «ligne éditoriale» ainsi que les grandes directions créatives des productions Ubisoft. À ce titre, «l’Édito» peut pousser ou au contraire mettre un terme aux projets en cours de développement.

Les deux anciens hommes forts de ce service, qui ont quitté Ubisoft durant l’été 2020, vont être jugés. Serge Hascoët, directeur créatif du groupe depuis 2000 et alors considéré comme le numéro 2 officieux d’Ubisoft, est poursuivi pour harcèlement moral et sexuel envers certaines femmes de son service, ainsi que pour «brimades et humiliations en public des collaborateurs». Parmi les faits cités par l’Informé, des paroles et des gestes crus, ou des photos de cochons mis en fond d’écran d’une collaboratrice de religion musulmane.

Son bras droit, Tommy François, est quant à lui accusé de «propos crus de nature sexuelle», de commentaires sur le physique de ses collaboratrices tels que «morue», «laideron» ou «bombasse», et d’insultes. L’Informé liste parmi les faits reprochés celui d’ « ordonner à une collaboratrice en jupe de faire le poirier dans l’open space, lancer des films pornographiques sur les ordinateurs, barbouiller de feutre le visage d’une salariée, pratiquer régulièrement le «chat bite» ou «jouer» à embrasser des collègues sur la bouche par surprise.»

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Le troisième manager, dont le nom n’est pas communiqué, est poursuivi pour harcèlement moral. Parmi les faits retenus par le parquet, « avoir menacé une collaboratrice de la tuer ou avoir approché un briquet de la barbe d’un collègue», indique l’Informé.

La plainte déposée par Solidaires Informatique visait aussi la direction du groupe Ubisoft afin de faire reconnaître le caractère systémique d’une culture d’entreprise toxique. Le parquet de Bobigny n’a pas suivi cette voie.