Le printemps n’est pas encore là mais l’industrie pharmaceutique prépare déjà l’hiver prochain. L’année dernière, Sanofi a lancé sur le marché français un nouveau vaccin protégeant les bébés du virus respiratoire syncytial (VRS) à l’origine de la bronchiolite. Conçu en partenariat avec le Britannique AstraZeneca, le Beyfortus a immunisé 250.000 bébés cet hiver, grâce à une mobilisation exceptionnelle du ministère de la Santé, qui a permis de rendre ce vaccin accessible avant même l’ouverture des négociations sur ses conditions de commercialisation et de remboursement.
Chaque hiver, près de 30% des bébés de moins de deux ans, soit 480.000 nourrissons, contractent en effet une bronchiolite, selon la Haute Autorité de santé. Dans 2% à 3% des cas, la maladie est si sévère qu’elle nécessite leur hospitalisation. En 2022-2023, la triple épidémie de bronchiolite, grippe et covid avait provoqué un sévère engorgement des services d’urgences, que le gouvernement voulait à tout prix prévenir l’année suivante.
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Compte tenu du succès rencontré cet hiver, la prochaine campagne de vaccination contre le virus respiratoire syncytial (VRS) à l’origine de la bronchiolite devrait être d’une toute autre ampleur, et se prépare dès maintenant. Le taux d’adhésion des parents a dépassé les 80% en 2023-2024, contre 30% anticipés, si bien que ce sont 600.000 doses plutôt que 250.000 dont la France aura besoin à la fin de l’année, selon la direction générale de la santé.
Sanofi et son partenaire AstraZeneca, chargé de la production du vaccin, se sont mis en ordre de marche pour répondre à la demande. La production de doses dans les usines américaines du laboratoire britannique a été multipliée par plus de trois par rapport aux 1,5 million de doses de 2023. Plus de 5 millions devraient être produites cette année.
Chez Sanofi, on se félicite que 17 pays dans le monde aient déjà formulé des recommandations en faveur de son vaccin pour la saison prochaine. La France, en revanche, est à la traîne. Si les discussions avec le comité économique des produits de santé (CEPS) avancent, et même un peu plus vite que d’habitude lorsqu’un nouveau médicament doit être mis sur le marché, elles sont encore trop lentes aux yeux du laboratoire, qui regrette la célérité de l’année dernière. «Il faut que nous sachions très prochainement la quantité de doses de vaccin dont la France aura besoin cet hiver pour préparer la campagne dans de bonnes conditions», explique Audrey Derveloy, la présidente de Sanofi France. Les prévisions de la direction générale de la Santé doivent se muer en engagements fermes. D’autres pays sont sur les rangs, et la durée incompressible de production est de six mois.
Cet hiver, Sanofi devrait par ailleurs faire face à un nouveau concurrent. Pfizer espère aussi pouvoir commercialiser son propre vaccin contre le VRS, l’Abrysvo, pour la prochaine campagne. L’Abrysvo protège les nourrissons en vaccinant les mères durant leur grossesse plutôt que les bébés – un protocole auquel les parents sont encore peu habitués. Le vaccin doit être administré entre la 24ème et la 36ème semaine de grossesse et offre une immunité au nouveau-né dès sa naissance.
L’Abrysvo a obtenu son autorisation de mise sur le marché européen en août dernier. Pfizer se dit prêt à livrer la France. Il produit ce vaccin dans son usine de Puurs, en Belgique, également chargée de fabriquer les doses de vaccin contre le covid. 13 pays européens ont déjà reçu leurs doses d’Abrysvo. Mais en France, le laboratoire américain n’a pas non plus fini son chemin de croix réglementaire. Il attend encore la publication des recommandations de la commission technique des vaccins (CTV) en mai prochain pour déterminer le volume qu’il attribuera à la France, avant de négocier le prix auquel il sera vendu.
Au Royaume-Uni, l’autorité chargée de ces recommandations, la JCVI, n’a pas privilégié le vaccin de Sanofi-AstraZeneca, ou celui de Pfizer. « Ces deux stratégies ont été jugées toutes les deux coût-efficientes, rapporte la HAS. Le JCVI ne recommande pas préférentiellement une de ces deux stratégies mais conseille de mettre en place une seule et même stratégie tout au long de l’année afin de garantir un taux d’adhésion élevé ». Reste à savoir quelles recommandations fera la France et lequel les deux vaccins les professionnels de santé et les parents privilégieront.