En Mayenne et dans la Sarthe, des milliers de volailles gambadent dans des parcs de verdure. Les poules gloussent, les petits poulets fermiers piaulent et les dindes glougloutent. Les races sont choisies avec précaution et sont de souches rustiques, comme la Géline de Loué. Ces volailles élevées en plein air constituent l’essence-même du Label Rouge, une filière de qualité, française et qui respecte les normes européennes. «Chez nous, un poussin ne fait pas trois fois le tour de la terre», prône ainsi Benoît Droin, vice-président du Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf).
Si plus de 6000 éleveurs s’occupent des volailles Label Rouge, ils sont des milliers d’autres à produire de la viande, de la charcuterie, des produits laitiers, de la mer, du miel, des fruits et légumes ou encore du pain. Dans les rayons, ces productions sont identifiées par une petite pastille rouge, qui garantit leur provenance, et leurs conditions d’élaboration. Mais avec une inflation alimentaire qui dépasse les 20% en deux ans, les Français arbitrent leurs achats et se détournent des produits plus onéreux, notamment du bio et du Label Rouge.
Dans les rayons, les volailles Label Rouge sont par exemple 1,5 fois plus chères que des produits standards. Jean-Marc Loizeau, président de FedeLIS, la fédération qui regroupe le Label Rouge, les indications géographiques et les spécialités traditionnelles garanties, le reconnaît : «La consommation n’est pas là, en grosse partie liée à des prix de produits finis assez élevés. Les Français font des choix et s’orientent vers des références à bas prix.» À ce phénomène, s’ajoute aussi une «surproduction» dans certaines filières. Cette année, l’offre dépasse ainsi la demande et fragilise les exploitations.
À lire aussi«Le consommateur n’est pas au rendez-vous» : la grande désillusion des agriculteurs bio
«Pour les viandes Label Rouge, on devrait être sur une baisse de la consommation autour de 10% en 2023», prédit amèrement Jean-Marc Loizeau. Les productions de porc et de charcuteries Label Rouge devraient, elles aussi, voir leur consommation diminuer de 5 à 10%. Les volailles de chair ne sont pas non plus épargnées avec un recul d’1,2% des achats des ménages au premier semestre 2023. Toutes filières confondues, Le Label Rouge devrait ainsi perdre entre 5 et 10% de parts de consommation.
Mais pour le Label, il est presque impossible de diminuer ses prix, au risque de voir des producteurs mettre la clé sous la porte. Concrètement, les éleveurs et les agriculteurs doivent prendre en charge la hausse des matières premières, comme les céréales, des «frais de certification» et «respecter le cahier des charges». Dans la volaille, les producteurs doivent notamment permettre l’accès «à un grand espace extérieur arboré», «veiller à une bonne qualité d’alimentation végétale», avoir «une durée d’élevage plus longue» et être en conformité lors «des contrôles stricts» sur leur exploitation. Autant de paramètres qui font gonfler le prix d’un poulet, d’une dinde ou d’œufs Label Rouge.
Pour autant, les producteurs ne rejettent pas la faute sur les négociants, comme LDC, qui s’occupe aussi des abattages des animaux. «Début juillet, ils ont baissé leur prix de 5%», explique ainsi Benoît Droin. Les professionnels pointent davantage la grande distribution, accusée d’avoir des marges excessives sur les références Label Rouge. Contacté, aucun groupe n’a souhaité s’exprimer sur le sujet. «On va démarrer des réunions avec la grande distribution pour trouver une solution et aboutir à des marges satisfaisantes», explique Jean-Marc Loizeau.
À lire aussiLabel rouge, bio, AOP… Comment s’y retrouver parmi les différents labels alimentaires
Le président de FédeLIS regrette également «que les consommateurs et l’État prônent la souveraineté alimentaire mais que tout le monde se tourne vers des produits d’import, qui ne respectent pas les normes européennes». En France, un poulet sur deux est importé d’Ukraine, du Brésil ou de Thaïlande et il «est généralement produit n’importe comment, avec l’utilisation d’hormones et des salariés rémunérés à bas prix, selon Jean-Marc Loizeau, c’est tout ce qu’on ne veut pas».
Mais la filière Label Rouge n’a pas encore dit son dernier mot et s’est lancée dans une vaste campagne de communication européenne. «Il faut expliquer notre fonctionnement au consommateur», insiste le président de FedeLIS, qui souligne la nécessité «d’intervenir dans la restauration collective, pour toucher les jeunes». Dans la volaille, un programme de communication spécifique a été lancé en 2022 et durera trois ans. Il vise à «réaffirmer les valeurs et les engagements» du Label. En plus d’un nouveau spot publicitaire diffusé sur les plateformes de replay télévisé, des caméras ont également été installées dans une vingtaine d’élevages de volailles pour voir en direct les poulets dans leurs parcs. De quoi, peut-être, replacer de la qualité au cœur des assiettes des Français.