Les députés ont approuvé ce jeudi 17 mai un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l’agriculture un caractère «d’intérêt général majeur», une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée. «La protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur en tant qu’ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux», énonce cet article clé du projet de loi.
L’engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l’Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. «Sur le plan juridique, ça positionne l’agriculture en équilibre avec l’environnement», avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole. «Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés», a affirmé le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau.
Plusieurs députés – à l’instar de juristes -, doutent cependant de sa portée. La mesure «crée le fantasme d’une remise en cause de la charte de l’environnement» et «donne l’illusion au monde paysan qu’on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d’être au-dessus du reste des normes, du droit», a fustigé Dominique Potier (PS). Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu’il s’agissait d’une «innovation juridique» qui ne «modifie pas la hiérarchie des normes».
«Il n’y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l’environnement» mais «lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l’agriculture fera désormais l’objet d’une attention spécifique», a-t-elle soutenu.
L’article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à «produire, transformer et distribuer» les produits nécessaires à «une alimentation suffisante, saine (et) sûre». Il pose aussi le principe «d’ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d’une programmation pluriannuelle de l’agriculture». Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette «souveraineté alimentaire».
L’article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l’agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la coconstruction. Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).
Mais l’article «n’a aucune valeur normative» et n’apporte «aucune contrainte», a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l’absence de mesures pour des «prix planchers». «C’est caricatural», a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L’article pose des «intentions qui encouragent», pour Julien Dive (LR). Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.