«Préserver notre système de retraite par répartition», c’est la motivation que le gouvernement ne cesse de mettre en avant pour défendre sa très décriée réforme des retraites. Depuis de nombreuses semaines, les membres de l’exécutif se relaient jour après jour pour rappeler le bien-fondé de leur projet. Et cette réforme est «indispensable» pour financer le système, a encore martelé dimanche sur Europe 1, Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, face à un texte dont deux tiers des Français ne veulent toujours pas.

Selon le scénario actuel, le déficit du système de financement des retraites atteindrait 13,5 milliards d’euros à l’horizon 2030. L’objectif affiché de la réforme est de combler ce trou. Et, pour y parvenir, le gouvernement compte sur le report de deux ans de l’âge légal du départ à la retraite assorti de l’augmentation de durée de cotisation à 43 ans. Ensemble, ces deux mesures promettent de rapporter 17,7 milliards d’euros, soit de quoi laisser en théorie 4,2 milliards de marge. Or, depuis quelques semaines, le gouvernement semble avoir desserré les cordons de la bourse. Et à force de multiplier les concessions coûteuses, il pourrait se retrouver avec une réforme qui ne virerait plus au vert.

Déjà, en présentant le projet, début janvier, la première ministre, Élisabeth Borne, annonçait 4,8 milliards d’euros de dépenses nouvelles en mesures sociales, dont 3,1 milliards pour permettre aux personnes en invalidité ou en inaptitude de continuer à partir à 62 ans, ou encore 600 millions pour renforcer le dispositif «carrières longues». À cela s’est ajoutée la revalorisation des petites retraites à 1 200 euros brut. Soit un coût supplémentaire de 1,8 milliard d’euros par an, portant le total des dépenses nouvelles à environ 6 milliards.

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Mais, depuis son passage pour le moins agité devant les parlementaires, les ajustements mettent de nouveau les comptes dans le rouge avec un déficit chiffré à 600 millions d’euros, selon la commission des affaires sociales du Sénat. «Il y a pire que de demander des efforts aux Français: demander des efforts aux Français pour rien», a affirmé Bruno Retailleau, président des sénateurs LR. Pourtant, la majorité sénatoriale défend plusieurs mesures qui n’ont pas vocation à faire faire des économies. Les rapporteurs proposent, par exemple, une surcote de pension de 5 % pour les mères de famille. Cette mesure regardée avec intérêt par le gouvernement coûterait au bas mot «300 millions d’euros», selon Bruno Retailleau.

La facture du CDI senior, un contrat exonéré de cotisations familiales pour faciliter l’embauche des plus de 60 ans, s’élèverait quant à elle à «800 millions d’euros», s’inquiète Gabriel Attal. Alors que son collègue ministre du Travail, Olivier Dussopt, affirme ce week-end dans Le Parisien que cette réforme est «de gauche», le ministre délégué aux Comptes publics déplore de son côté que  l’équilibre financier de notre système à horizon 2030 s’éloigne indubitablement».

L’exécutif a justement prévu plusieurs moyens pour financer ses concessions. Dans cette boîte à outils se trouve l’augmentation de 1 point du taux de cotisation des collectivités locales et des hôpitaux pour financer le déficit de la caisse de retraite de leurs agents. Comment les collectivités et les hôpitaux, déjà en difficulté, paieront-ils? L’État compensera, a indiqué Matignon. En bref, on éponge indirectement le déficit des retraites avec l’argent du contribuable.

Comme pour trancher le nœud gordien, le Sénat pourrait songer à une autre voie. La Chambre haute a voté dimanche en faveur du lancement d’une étude sur l’ajout d’une dose de capitalisation collective dans le système par répartition. Une telle solution impliquerait que salariés et employeurs investissent leurs cotisations dans des actions, des obligations ou des fonds d’investissement. «Personne ne peut raisonnablement dire qu’il ne peut y avoir de débat sur ce système par capitalisation», a accordé Olivier Dussopt. Le rapport doit être remis par le gouvernement au Parlement avant octobre.