Ses apparitions médiatiques se font très rares. La dernière remonte au début de l’année 2022, lorsque Vincent Bolloré s’était exprimé au Sénat dans le cadre d’une commission d’enquête sur la concentration des médias en France. C’est dire si son audition, mercredi après-midi, à l’Assemblée nationale, était très attendue. Deux ans plus tard, bis repetita. Voilà le milliardaire breton convoqué par une nouvelle commission d’enquête parlementaire lancée par les députés LFI, au sujet cette fois de l’attribution des fréquences TV.

Le groupe Canal , qu’il contrôle, est concerné au premier chef. Voilà deux semaines, le régulateur de l’audiovisuel, l’Arcom, a entamé le processus de renouvellement de 15 fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT), dont celles de CNews et de C8, régulièrement sous le feu des critiques. Cette procédure va déterminer quelles chaînes auront le droit d’émettre en France en 2025. Et beaucoup espèrent la mire pour les deux antennes du groupe Canal . Y compris au sein de la commission d’enquête : l’écologiste Sophie Taillé-Polian a ainsi lancé début février une pétition pour dire « non au renouvellement de l’agrément de CNews et de C8 ». Auparavant, c’est l’ancienne ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, qui avait fait planer cette menace.

Interrogé en tant que conseiller du président du directoire de Vivendi, Vincent Bolloré a estimé devant les députés que, « si par extraordinaire », l’une des chaînes du groupe Canal se voyait retirer sa fréquence, cette décision « serait perçue comme une marque de défiance, en dehors du problème de la liberté d’expression. Qu’on le veuille ou non, le sentiment extérieur, c’est que le succès et la liberté de ton des chaînes de Canal gênent. »

Selon le milliardaire, CNews est un succès car elle « raconte la vérité, reçoit tout le monde, enfin en tout cas tous ceux qui veulent y aller, et que c’est aujourd’hui un espace de liberté. » Dans ces conditions, le retrait des fréquences de C8 ou de CNews « serait pris comme une gifle et ça posera problème à Canal », considère-t-il. « Je pense que les chaînes de Canal sont scrutées à la loupe. (…) Je pense qu’il y a un dossier qui est préparé depuis un certain temps… Qui veut noyer son chien prétend qu’il a la rage. »

Il n’a pas manqué de rappeler au député socialiste Jérôme Guedj qu’à la fois « l’Arcom et le Conseil d’État ont dit que CNews était une chaîne d’information et non pas d’opinion. Je ne vais pas me substituer à l’Arcom et au Conseil d’État, et vous n’avez pas de motifs de le faire. » Si le régulateur des médias décidait de mettre en place de nouvelles règles du jeu, « n’ayez aucun doute sur le fait que l’on respectera l’ensemble des obligations, et si elles changent en cours de route, nous nous adapterons quoi qu’il arrive », a voulu rassurer Vincent Bolloré. Mais il a lancé, comme il l’avait fait il y a deux ans déjà, que la France devrait « plutôt choyer son champion national ».

L’homme d’affaires est revenu sur sa prise de contrôle de Canal , qui a suscité beaucoup de critiques. « Quand je suis arrivé chez Canal, j’ai fixé les choses, j’ai nommé les équipes et en effet, j’en ai changées pas mal. » Un certain nombre de hauts cadres ont été priés de partir, non en raison de leur manque de compétences « mais parce qu’ils n’avaient pas envie de changer de train de vie » , a-t-il raconté.

« C’était des seigneurs, ils ont été habitués à vivre dans le luxe. Le dessus du panier, c’était la fête au village. C’est ceux-là qui ont été remplacés par des gens beaucoup plus économes ». Et d’ajouter : « Quand on arrête une grande fête, les gens ne vont pas dire que c’est parce qu’ils faisaient la fête, ils vont dire “c’est un type d’extrême droite”. » À un autre membre de la commission, qui lui demandait s’il menait une mission politique, il a assuré n’avoir « aucun projet idéologique », ajoutant sur le ton de l’humour : « Je suis tout doux et débonnaire, pas du tout un Attila. »

Interrogé sur un possible accord secret autour de la vente de Paris Match, dans le giron du groupe Lagardère dont Vivendi est propriétaire, au milliardaire Bernard Arnault (LVMH) et d’une éventuelle acquisition par Vivendi du journal Le Parisien, que possède LVMH, Vincent Bolloré a balayé cette hypothèse. « Comme Le Parisien n’est pas à vendre, à ma connaissance, il n’y a pas de discussion. »

Le milliardaire a également soutenu Cyril Hanouna, l’animateur star de sa chaîne C8. « En dépit d’amendes, en dépit de problèmes, Cyril Hanouna, c’est son succès qui le protège. Il est regardé tous les soirs par plus de deux millions de téléspectateurs ». Le présentateur controversé de Touche pas à mon poste sera auditionné à son tour par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale ce jeudi à 14 heures.