«Comme la transition écologique, la transition démographique nécessite une planification», avançait vendredi dernier la ministre des Solidarité Aurore Bergé pour justifier sa stratégie concernant le grand âge. Car la France vieillit et la facture d’aides aux personnages âgées promet de s’alourdir. D’ici 2040, le coût des allocations versées aux plus de 60 ans au titre de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) pourrait quasiment doubler et atteindre 12,4 milliards d’euros contre 5,9 milliards en 2020, selon l’Institut des politiques publiques (IPP). Actuellement, 1,3 million de personnes bénéficient de cette aide versée par le département aux plus de 60 ans en perte d’autonomie reconnue et calculée en fonction de leur niveau de revenus. Elle permet de régler une partie des frais d’Ehpad ou d’accompagnement à domicile.
Dans une note publiée tout récemment, l’économiste Pauline Mendras dresse le panorama des futures dépenses publiques au vu de l’augmentation à venir du nombre de personnes âgées dépendantes et bénéficiaires de l’APA. Au vu de l’allongement de la durée de vie moyenne et l’«arrivée aux âges élevés de la génération des baby-boomers», les estimations tablent sur 1,7 million de bénéficiaires de l’APA en 20240, soit 350.000 nouveaux allocataires ou 29% de plus qu’en 2020. D’où une hausse mécanique de la facture. C’est pourquoi «à politique publique de prise en charge inchangée, l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’APA conduirait à une hausse de 30% des dépenses totales d’APA entre 2020 et 2040», précise la note. Un scénario de base où les dépenses d’APA atteindraient alors 7,7 milliards d’euros.
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Mais pour s’approcher de la réalité, l’économiste prend en compte l’hypothèse du «virage domiciliaire» dans ses projections, soit le potentiel gel de création de places de résidants dans les Ehpad. Ce qui implique que «vivront à domicile des personnes aux besoins plus importants qu’aujourd’hui». D’où une nécessaire hausse des salaires pour permettre le recrutement de professionnels, des hausses «inévitables pour faire face aux besoins de recrutement dans un secteur dont l’attractivité est faible et qui va connaître d’ici à 2023 des tensions de mains d’œuvre». Mais «ces revalorisations salariales vont également accroître le coût de la prise en charge» des personnes âgées, impliquant donc un besoin de renforcer les allocations.
Résultats : «En intégrant ces changements, la dépense totale d’APA augmenterait de 4,8 milliards d’euros d’ici 2040, soit 80% par rapport à 2020», estime l’Institut des Politiques Publiques. Dans ce scénario plus complexe où l’État adapterait les moyens sur la table, la dépense d’APA dépasserait la barre des 10 milliards d’euros pour atteindre 10,7 milliards d’euros. Les allocations à destination des personnes âgées accompagnées à domicile augmenteraient le plus, de l’ordre de 50%, reflétant la logique du virage domiciliaire, «où davantage de moyens seraient nécessaires pour permettre le maintien à domicile de personnes âgées dépendantes aujourd’hui accueilli en Ehpad.»
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Mais d’autres dépenses pourraient bien alourdir la facture. Une partie des heures d’aides sont actuellement réalisées par un «aidant», c’est-à-dire un proche. Or, l’IPP table sur «une moindre présence d’aidants informels auprès de personnes accompagnées à domicile» à l’avenir. Compte tenu de ce probable plus grand isolement social des allocataires maintenu à domicile, il faudrait que de l’aide professionnelle remplace l’aide informelle. Dans ce scénario, la dépense annuelle d’APA en 2040 atteindrait 12,4 milliards d’euros. Les résultats de cet ultime scénario, plus crédible aux yeux de Pauline Mendras, divergent de 4,6 milliards avec ceux du scénario de base. Ainsi, à l’horizon 2040, un écart de 60% «est observé à l’horizon 2040 entre un scénario sans mesure d’accompagnement du virage domiciliaire et ce scénario».