Le Parlement a définitivement adopté jeudi le projet de budget 2024, après le rejet à l’Assemblée nationale d’une motion de censure de la gauche. La motion a recueilli 116 voix, loin des 289 suffrages nécessaires pour faire tomber le gouvernement. Elle répondait au 23e recours à l’arme constitutionnelle du 49.3 depuis l’arrivée d’Élisabeth Borne à Matignon pour faire adopter ce texte sans vote.
Le budget de l’État pour 2024 a été définitivement adopté jeudi à l’Assemblée par le rejet d’une motion de censure de la gauche, signant le clap de fin d’un exercice encore marqué par une série de 49.3 qui lasse opposition comme majorité. À l’ombre des débats inflammables sur l’immigration, c’est dans un hémicycle très clairsemé que les députés se sont retrouvés pour la dernière fois de l’année.
En réclamant la censure, l’Insoumis Éric Coquerel, président de la commission des Finances, a autant contesté le budget que la loi sur l’immigration, qu’il juge «ignominieuse» et «nauséabonde». Seuls 116 députés ont apporté leurs voix à la motion de gauche, loin des 289 nécessaires pour faire tomber le gouvernement. Son rejet entraîne l’adoption du projet de loi de finances 2024 (PLF).
La Première ministre Elisabeth Borne a défendu la création de plus de 2.000 postes de policiers et gendarmes, une hausse des moyens de la Justice et de la Défense, des revalorisations pour les enseignants et un «budget vert» avec 7 milliards d’euros supplémentaires en faveur de la transition écologique. Comme l’an dernier, le gouvernement a eu recours à dix reprises à l’arme constitutionnelle du 49.3 pour faire passer sans vote ce budget de l’État et celui de la Sécurité sociale adopté le 4 décembre.
49.3, motion de censure, 49.3…: le ballet désormais bien réglé a créé une usure dans l’hémicycle, plus que l’année passée quand les députés découvraient la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale sans majorité absolue. L’opposition dénonce «mépris du Parlement» et «déni de démocratie».
Le gouvernement est sur une ligne de crête entre ses dépenses et la volonté de réduire le déficit public à 4,4% du PIB en 2024. Bercy a promis d’aller chercher 12 milliards d’économies supplémentaires par an à partir de 2025, une mission «difficile», reconnaissent des députés macronistes. La gauche pointe déjà «l’austérité». Elle reproche au gouvernement de ne pas en faire assez sur l’écologie et le logement et de refuser d’augmenter la fiscalité des plus riches ou des grandes entreprises.
Dans la majorité, le MoDem a réclamé en vain des mesures de «justice fiscale» telles une taxe sur les rachats d’actions des grandes entreprises, après celle qu’il souhaitait sur les «superdividendes» l’an dernier, mais que le gouvernement avait écartée. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, «est un peu rigide sur les recettes nouvelles», grince un député centriste. «Les rachats d’actions, ça ne rapporte pas grand-chose, mais c’est important politiquement».
La droite considère à l’inverse que les économies structurelles manquent à l’appel. LR a notamment réclamé une coupe de 6 milliards d’euros sur le montant de l’indemnisation chômage. Face à la vie chère, Bruno Le Maire a souligné jeudi que «la crise inflationniste est derrière nous», même si «cela reste très dur pour beaucoup de nos compatriotes».
Dans la dernière ligne droite, les débats se sont notamment concentrés sur les pénuries de logements, une «bombe sociale», selon nombre d’élus. Entre deux 49.3, le gouvernement a laissé passer une mesure du Sénat pour réduire plus drastiquement que prévu la niche fiscale dont bénéficient les locations de meublés touristiques comme Airbnb.
Une «erreur matérielle», explique-t-on au gouvernement, qui assure que la mesure ne s’appliquera pas en 2024, malgré les voix à gauche et dans la majorité qui la réclament. Autre controverse, le gouvernement a soutenu contre l’avis de l’opposition des mesures fiscales avantageuses pour les fédérations sportives internationales, dont le but principal est d’essayer d’attirer en France la puissante Fifa, grande instance du football mondial. Un «mini-paradis fiscal», a dénoncé Lisette Pollet (RN).
L’exécutif a par ailleurs repris à son compte une taxe votée au Sénat sur les plateformes de «streaming» musical, afin de financer le Centre national de la musique (CNM). De quoi hérisser Spotify France qui a annoncé en représailles cesser de soutenir les Francofolies de La Rochelle et le Printemps de Bourges, dès 2024. Pour améliorer la construction du budget, le gouvernement entend avancer l’an prochain les discussions budgétaires, y compris avec les oppositions. «Le budget 2025 sera plus exigeant encore. On doit le construire très tôt», a expliqué le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave.