Le gentil Pokémon Pikachu équipé d’une mitraillette…cela vous paraît étrange ? C’est pourtant tout le concept du jeu de survie «Palworld» développé par le studio japonais Pocketpair. Ce dernier offre au joueur la possibilité d’interagir avec des créatures très similaires aux célèbres Pokémon, ici baptisées des «Pal», qu’il peut exploiter à l’envie et armer pour survivre sur l’île où se déroule l’aventure.
Les premières images de la bande-annonce diffusées il y a sept mois avaient déjà suscité de nombreuses réactions. Le studio présentait la possibilité d’affaiblir au maximum les créatures ou de les enfermer dans ce qui semblait être des enclos électrifiés.
Le tout en s’inspirant grandement, et sans autorisation, du design des jeux Pokémon de Nintendo mais aussi du monde ouvert du jeu Fortnite…de quoi susciter le buzz autour de sa sortie en accès anticipé le week-end dernier.
Disponible sur la plateforme de distribution Steam pour 26 euros et sur le Xbox Game Pass (le service d’abonnement sur Pc et console de Microsoft) depuis vendredi, le jeu connaît déjà un certain succès. Dès samedi, Palworld s’écoulait à 86.000 unités par heure. Lundi, le studio annonçait avoir dépassé les 5 millions de ventes. Toutefois, Pocketpair ne précise pas la proportion d’unités vendues avec le Gamepass.
Le jeu s’est également hissé parmi les titres les plus populaires sur Steam en cumulant plus d’1,5 millions de joueurs sur la plateforme. Il a ainsi dépassé des jeux comme Baldur’s Gate 3, Elden Ring, Hogwarts Legacy ou encore, Cyberpunk 2077.
Les streamers se sont rapidement emparés du jeu et, à l’heure actuelle, «Palworld» cumule plus de 345.000 spectateurs en simultané sur la plateforme de vidéos en direct Twitch. De même sur le réseau social chinois TikTok, où pullulent des vidéos d’utilisateurs partageant leurs découvertes de «Palworld».
« Le jeu est taillé pour être diffusé : il est facile à prendre en main et il offre des surprises efficaces en rappelant d’autres jeux populaires aux internautes. Ici, en l’occurrence, Pokémon et Fortnite», analyse Julien Djoubri, spécialiste des nouvelles technologies et fondateur de Point’n Think. «Et puis, il offre une expérience plus adulte avec une plus grande liberté…Ce qui est réclamé par les adeptes de Pokémon depuis longtemps».
Sur X (ex-twitter), le mot-clef «Palworld» cumule aussi près de 243.000 tweets. Par exemple, certains joueurs montrent comment ils ont inséré dans leur arme automatique un «Pal» pour le projeter sur leur adversaire, avant de présenter leur chaîne de productions sur lesquels travaillent leurs créatures. «Ça n’est pas Pokémon les gars, c’est une simulation d’Amazon», s’amuse l’un d’entre eux. D’autres encore sont surpris que le jeu les autorisent à découper ou tuer ces petits compagnons, une fois ceux-ci jugés inutiles. Sur «Palworld» il n’y a pas de règles, et c’est sur ce principe que semble reposer la popularité du jeu.
Provoquant, Palworld l’est aussi dans sa conception. La ressemblance entre les «Pal» et les Pokémon est telle que d’aucun se demandent si le studio ne s’est pas servi des progrès de l’IA générative pour purement et simplement copier le design de ces derniers. D’autant que, comme le rapporte le site Frandroid, le jeu copie aussi la musique du titre The Legend of Zelda Breath of the Wild et des éléments du gameplay d’Elden Ring.
Or, les accès désormais facilités à des logiciels comme Midjourney ou DALL-E permettent aux internautes de créer de fausses images grâce à des requêtes écrites. Le studio aurait donc pu, lui aussi, s’en servir pour imaginer les créatures de Palworld. «Dans le cas de ce jeu, on dirait vraiment que les concepteurs ont demandé à Midjourney de concevoir un univers qui mélangerait Pokémon et Fortnite», souligne Julien Djoubri.
D’autant que le créateur de Palworld, Takuro Mizobe, aimerait mettre fin aux limites engendrées par le copyright, soit le système de protection des oeuvres littéraires et artistiques. Il a déjà fait remarquer, sur son compte X (ex-twitter), que les progrès de l’IA pourraient justement mettre fin aux principes de droits d’auteurs d’ici trente ans.
« Par exemple, en 2022 déjà, Takuro Mizobe, estimait qu’on aurait de plus en plus de mal à distinguer quels sont des Pokémon créés par Nintendo et ceux créés par une IA », poursuit Julien Djoubri. «Et le précédent jeu de Pocketpair, du nom de AI:Art Impostor, reposait sur le principe, pour les joueurs, de générer des œuvres d’art en utilisant l’IA».
Des éléments qui, pour le spécialiste, pourraient tendre à prouver que le studio a plagié Nintendo. Mais ce qui l’inquiète le plus, c’est la réaction des internautes, peu alarmés par cette éventualité. « Le fun que proposent ces créations comme Palworld l’emporte sur les questions autour de l’intelligence artificielle. Demain, si le public suit, il n’est pas impossible qu’on voit se multiplier ce genre de jeux créés rapidement grâce à ces nouveaux logiciels», note-t-il. «Ce qui pourrait renforcer les attentes autour des gros studios et renforcer la pression sur les développeurs».
De son côté, le studio Pocketpair n’a pas encore communiqué sur la date à laquelle la version finale du jeu serait disponible. Palworld est le quatrième jeu du studio et les trois autres, développés précédemment, sont encore en accès anticipé. En parallèle, le studio a surtout annoncé travailler sur un nouveau jeu en 2D, du nom de Never Grave. Le joueur incarne cette fois une petite sorcière, qui doit traverser des ruines et affronter différents ennemis.
Une bande-annonce et un scénario qui ressemblent, à s’y méprendre, au jeu à succès Hollow Knight édité par le studio australien Team Cherry et sortie en 2017…De quoi alimenter les interrogations autour d’éventuels plagiats de la part du studio japonais.