Le distributeur de publicités Milee (ex-Adrexo) a annoncé vendredi demander son placement en redressement judiciaire, plongeant ses quelque 9000 employés en France, dont des retraités modestes, dans l’inquiétude. «On s’en doutait car pour certains, les salaires d’avril n’ont été payés que mi-mai, mais maintenant on a l’angoisse de la suite. Vous savez, parmi les employés, il y a beaucoup de gens qui ont eu des accidents de la vie, des retraités modestes, qui n’ont que ce petit revenu à temps partiel pour tenir la tête hors de l’eau», confie à l’AFP un employé qui préfère taire son nom. À Givors, dans le Rhône, Malika Fatnassi, qui travaille depuis 2004 dans l’entreprise, craint de perdre son seul revenu, elle qui a la charge d’un proche handicapé. «Ça me fait vraiment gamberger, ça me fait peur pour l’avenir, déjà que la vie n’est pas facile».
«Depuis de nombreuses années, le secteur de la distribution d’imprimés publicitaires dont Milee est un des leaders s’inscrit dans un domaine en grande souffrance», a justifié la direction de cette filiale du groupe Hopps. Elle a évoqué des «éléments extérieurs imprévisibles» («Gilets jaunes», Covid, inflation liée à la guerre en Ukraine) «dont l’accumulation n’est plus supportable en matière de trésorerie». Elle mentionne aussi l’expérimentation dite «Oui pub», prévue dans la loi Climat et Résilience de 2021, qui a lieu dans une quinzaine de communes ou communautés de communes et interdit la distribution d’imprimés publicitaires par défaut, sauf si les consommateurs ont collé sur leur boîte la mention «Oui pub».
En avril, c’est La Poste qui avait annoncé le reclassement au sein du groupe des salariés de sa filiale de prospectus publicitaires Mediaposte, pénalisée par un marché en baisse. En France, le marché a presque fondu de moitié en quatre ans, de 2019 à 2023, selon La Poste et Milee.
Le siège de Milee étant à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), il reviendra au tribunal de commerce de Marseille de statuer sur la demande de placement en redressement judiciaire, qui sera examinée la semaine prochaine. La direction de Milee a précisé vouloir «un plan de redressement» et non pas de cession pour continuer l’activité afin «de préserver l’avenir de ses collaborateurs».
Le syndicat majoritaire au sein de l’entreprise, la Confédération autonome du travail (CAT) rejette les arguments de Milee. « Oui Pub n’est aujourd’hui qu’un test, la direction porte une lourde responsabilité du fait du mode de gestion de l’entreprise et plus généralement du groupe Hopps», également basé à Aix-en-Provence, a expliqué le syndicat à l’AFP. Un des élus syndicaux a pointé les «erreurs» de la direction pour organiser l’acheminement de plis électoraux lors des élections départementales et régionales en juin 2021, en ne s’appuyant pas sur les distributeurs expérimentés mais sur des intérimaires. L’État avait résilié quelques mois plus tard un marché initialement prévu pour quatre ans.
Au printemps 2023, l’entreprise avait tenté de redresser l’activité en lançant «150EUR» un média principalement numérique, visant à fournir aux consommateurs un meilleur «accès à toutes les promotions proches» de chez eux. Selon le syndicat CAT, le groupe avait «tenu» grâce à des emprunts et aides diverses, puis a pu se renflouer en vendant la société Colis Privé à l’armateur CMA-CGM pour près de 600 millions d’euros. Mi-mars, Milee avait annoncé un plan de restructuration prévoyant la suppression de 3.500 postes. Mais avant qu’il ait pu être mis en place, «les pertes n’ont pu être endiguées et la trésorerie de Milee est ressortie trop affaiblie à la fin du premier trimestre», selon la direction.