Les Galeries Lafayette ont inauguré leur gigantesque sapin de Noël tout en strass et en transparence, dans la coupole de leur vaisseau amiral du boulevard Haussmann, à Paris. Ici ou là, les magasins commencent à se parer de décorations de Noël tandis qu’en coulisses, des bataillons d’intérimaires rejoignent les rangs des distributeurs et des logisticiens.
Amazon vient de recruter 6500 personnes pour préparer les commandes du Black Friday et de Noël. JouéClub va en accueillir 1000 entre le 1er novembre et la fin de la semaine. «Nous commençons à voir des listes de Noël arriver dans nos magasins, observe Jacques Baudoz, le président du distributeur de jouets. Certains parents sont venus repérer les cadeaux pendant les vacances de la Toussaint. Mais à compter du Black Friday, cela va aller s’accélérant.»
Cette fête commerciale américaine sonne en France le début de la période des achats de Noël. Elle tombe cette année le 24 novembre, mais rares sont les commerçants qui ont attendu cette date pour proposer des remises à gogo. Les clients sont devenus familiers de toute une «black» terminologie. Ils connaissaient le «Cyber Monday», qui succède au Black Friday, et la «Black Week», qui le précède. Ils ont découvert cette année des promotions siglées «Black November» dès le début du mois, sur un nombre croissant de vitrines et de sites internet.
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Distributeurs et commerçants jouent très gros à cette période de l’année. Chez Cdiscount, novembre et décembre sont des mois qui comptent double. Chez Fnac Darty, le dernier trimestre représente un tiers du chiffre d’affaires annuel. C’est même 80 % dans le secteur du jouet. Les semaines à venir seront d’autant plus cruciales que l’ambiance était plutôt morose dans les magasins depuis le début de l’année. La forte hausse des prix alimentaires a grevé le budget des Français, qui ont renoncé à s’offrir les produits «plaisir» dont ils peuvent se passer, comme un objet de décoration ou une nouvelle robe. En volume, les ventes d’habillement ou d’équipement de la maison sont en baisse de 2,5 % à 3 % depuis le début de l’année, constate la fédération d’enseignes Procos. Seuls surnagent le secteur de la beauté et les distributeurs dont l’image est associée à des prix bas, comme Action ou Ikea.
Les anticipations pour la fin de l’année ne sont pas plus encourageantes. Tous les sondages s’accordent à dresser le portrait de Français prudents dans la gestion de leur budget. Selon un sondage Harris interactive pour la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) publié jeudi, ils se sont fixé 369 euros de budget moyen cette année, contre 404 euros en 2022. Plus de la moitié des personnes interrogées se limiteront à leurs proches quand il s’agira de faire des cadeaux. «Cette tendance est plus marquée en France que dans les autres pays d’Europe, probablement parce que l’inflation alimentaire y est aujourd’hui plus élevée», constate aussi Olivier Salomon, directeur chez AlixPartners.
Dans ce contexte morose, il n’est pas étonnant que la publicité de l’agence pour la transition écologique (Ademe) incitant les Français à ne pas profiter du Black Friday «pour soulager la planète» passe mal auprès des commerçants. «Pas très sympa», a également jugé Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie.
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Les commerçants devraient au contraire pleinement jouer le jeu de cette fête commercial pour stimuler la demande, quitte à laisser leurs clients acheter leurs cadeaux de Noël à prix cassé – ce dont ils ont clairement l’intention. Leur participation au Black Friday devrait être massive. «Les clients sont en ce moment tellement accros aux prix bas et aux promotions que je vois mal les enseignes prendre le risque de ne pas en proposer, même si elles y sacrifient leurs marges», souligne Emmanuel Le Roch, le délégué général de Procos. «Les clients restent acheteurs pourvu qu’on leur propose des offres séduisantes», confirme Julien Peyrafitte, le directeur commercial de Fnac Darty. Cette année, les deux enseignes mettront l’accent sur les télévisions haut de gamme, les PC pour gamers et les nouveautés dans le domaine de la téléphonie, comme la nouvelle gamme d’iPhone ou les Samsung pliables. Cdiscount constate de la même façon que les temps promotionnels «marchent aussi bien, voire mieux que les années précédentes». «Cela nous rend confiants pour ce Black Friday. Nous allons répondre à la demande en proposant plusieurs dizaines de milliers de promotions», explique Hugo Larricq, le directeur commercial de Cdiscount.
Même le secteur du jouet s’y met. «Chaque année, nous faisons des opérations promotionnelles supplémentaires à cette période de l’année. Pour cette édition, nous proposerons par exemple des remises sur les jeux de société», confie le président de JouéClub. Tout juste reprise à la barre du tribunal, La Grande Récré mettra plus encore que ses concurrentes l’accent sur les promotions. «Nous allons proposer 100 jouets à plus de 50 % de remise pour fêter notre “Color Friday”», explique Francis Héron, le nouveau directeur général de l’enseigne. Nous ferons ensuite, les prochains week-ends, des opérations ciblées sur les Lego et les Playmobil». King Jouet proposera de son côté des remises jusqu’à Noël. Les distributeurs spécialisés ont bon espoir de rattraper dans les prochaines semaines les mauvaises ventes observées jusqu’à présent – le marché du jouet est en recul de 7 % en volume.
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Pour tenter de capter autant que possible un budget cadeaux qu’elles savent contraint, les enseignes sont tentées d’avancer leur calendrier promotionnel. «Il faut être sûr d’attirer tôt l’attention du consommateur, explique Olivier Salomon. Proposer des promotions trop tard, c’est risquer que le client ait déjà dépensé son budget. Cela explique que le Black Friday commence de plus en plus tôt, parfois dès début novembre.» Commencer tôt, c’est aussi permettre aux clients de lisser leur budget cadeaux sur deux mois entiers, souligne Cdiscount.
Les enseignes ont par ailleurs compris que les promotions n’étaient pas le seul levier pour inciter les Français à consommer. Nombre d’entre elles proposent des facilités de paiement. Certaines élargissent les possibilités existantes. «Nous avons récemment proposé l’iPhone 15 avec un paiement en 24 ou en 36 mois. C’était l’une des meilleures ventes de notre site. Nous avons donc réitéré l’opération avec des téléphones Samsung, la Sony PlayStation ou encore les aspirateurs Dyson. Cela correspond à une demande de nos clients de pouvoir prendre le pouvoir sur leurs dépenses», analyse Hugo Larricq, de Cdiscount.
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L’occasion est un autre levier pour se mettre à la portée de toutes les bourses. Chez Fnac Darty ou Decathlon, ces produits ne sont plus regroupés dans un corner à part mais présentés en rayon aux côtés de leur équivalent neuf. Offrir un produit reconditionné pour les fêtes n’est plus tabou. «Ils sont de plus en plus attractifs, même pour Noël», explique Hugo Larricq. Signe des temps, l’e-commerçant proposera cette année 300 offres exclusives reconditionnées dans le cadre du Black Friday. Parmi elles, un iPhone 12 à 349 euros ou des Lego 40 % moins chers que leur version neuve. «C’est une autre façon de proposer un produit de qualité à un prix accessible», confirme Simon Ilardi, directeur marketing de Fnac Darty.
Le groupe est persuadé qu’à l’occasion de ces fêtes de Noël, les clients seront nombreux à revendre les produits qu’ils ont précédemment achetés, au moment d’en acquérir de nouveaux ou de faire un cadeau. «La reprise en échange de bons d’achat va être importante cette année, prédit Julien Peyrafitte. Nous reprenons les ordinateurs, les téléphones, parmi bien d’autres objets. Et nous lancerons prochainement une offre promotionnelle spécifique pour ces clients.» Encore une nouvelle façon de diminuer la facture des cadeaux de Noël, et d’inciter les clients à acheter davantage.