L’économie russe s’est montrée plus résiliente que prévu et continuera à croître cette année malgré les sanctions occidentales, tandis que la guerre à Gaza pèse sur les pays de la région, selon de nouvelles prévisions de la Berd parues mercredi. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), qui tient son assemblée annuelle à Erevan en Arménie jusqu’à jeudi, a publié de nouvelles prévisions de croissance pour l’ensemble des régions qu’elle couvre. «Je pense qu’il était irréaliste de s’attendre à ce que des sanctions contre la Russie conduisent à une crise économique et financière profonde, comme beaucoup l’espéraient», a commenté auprès de l’AFP Beata Javorcik, cheffe économiste de la Berd.
La Russie, qui a connu une croissance économique de 3,6% l’an dernier, devrait enregistrer une hausse de 2,5% de son produit intérieur brut (PIB) cette année, soit 1,5 point de plus que prévu en septembre, d’après les dernières projections de la Berd. L’économie russe est désormais revenue au-dessus des niveaux d’avant la guerre en Ukraine. Le pays a «recentré son économie sur l’effort de guerre. Cela conduit donc à une croissance plus rapide», mais cela «se traduit-il par une amélioration du bien-être de sa population? On peut en douter», a estimé Beata Javorcik. Selon la Berd, les sanctions, même si elles ne fonctionnent pas parfaitement, ont limité les importations de technologie de la Russie et s’ajoutent au départ de multinationales ainsi qu’à l’exode d’une main-d’œuvre qualifiée.
L’impact des sanctions se voit déjà à travers la perte record annoncée au début du mois par le géant russe de l’énergie Gazprom, a relevé Beata Javorcik. «La croissance russe à moyen terme sera inférieure à ce qu’elle aurait été en l’absence de sanctions», a-t-elle souligné. La Berd couvre aussi des pays du sud et de l’est méditerranéen. Si l’économie de cette zone devrait croître cette année, ce sera moins que prévu, en raison de retards dans de grands projets d’investissement public en Égypte et à cause de la guerre à Gaza.
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«Les effets négatifs du conflit sur le tourisme en Jordanie et au Liban pourraient s’avérer durables», note l’institution dans un communiqué. L’Égypte a quant à elle connu une forte baisse de ses revenus provenant des redevances du canal de Suez, pénalisées par les attaques des rebelles yéménites houthis contre des navires pour dénoncer la guerre israélienne à Gaza. Mais la Berd signale que cette perte de revenus a été plus que compensée par de récents engagements de partenaires internationaux, en particulier du FMI qui a octroyé en mars une rallonge de 5 milliards de dollars de prêts supplémentaires à l’Égypte.
Fondée en 1991 pour aider les pays de l’ex-bloc soviétique à passer à une économie de marché, la Berd a depuis étendu son périmètre pour inclure des pays du Moyen-Orient, d’Asie centrale et d’Afrique du Nord. L’institution a indiqué mercredi qu’elle s’attend à une croissance de 3% dans l’ensemble de ses régions cette année, en accélération grâce notamment à une baisse des pressions inflationnistes, mais légèrement en deçà de ses précédentes projections. Outre la guerre à Gaza, cette révision en baisse s’explique en particulier par une croissance plus lente que prévu en Europe centrale et dans les États baltes, mais aussi par une stabilisation des flux commerciaux via les pays d’Asie centrale (devenus depuis la guerre en Ukraine une sorte de plaque tournante entre la Russie et le reste du monde).
Par ailleurs, malgré la reprise du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan en septembre, à l’origine de l’arrivée massive de réfugiés, l’Arménie voit ses prévisions de croissance s’améliorer nettement pour cette année, à 6,2%. «Le gouvernement (arménien) a contribué à l’intégration des réfugiés du Karabakh grâce aux dépenses publiques» et «cela a également stimulé l’économie», a expliqué Beata Javorcik. La Berd note aussi que le mois de mai marque le 20e anniversaire de l’adhésion à l’Union européenne de huit pays qu’elle couvre: les Pays baltes et des États d’Europe centrale. Cette intégration a permis «une croissance significative de leur revenu par habitant» à mesure que leurs économies «s’intégraient plus profondément dans les chaînes d’approvisionnement européennes et mondiales», remarque l’institution.