La Cour suprême américaine a suspendu jeudi un accord entre les propriétaires du laboratoire Purdue, accusé d’avoir contribué à la crise des opiacés, et plusieurs Etats, portant sur une indemnisation pouvant atteindre 6 milliards de dollars. La Cour a fait droit à une requête du ministère de la Justice qui reprochait à cet accord d’exonérer la famille Sackler, propriétaire historique du laboratoire pharmaceutique, de toute future poursuite émanant de victimes, sans qu’elles y aient consenti, à l’exception de l’État fédéral.
La plus haute juridiction américaine accepte également de se saisir du dossier et d’entendre les parties en décembre 2023. Elle leur demande de lui présenter leurs arguments pour déterminer si le Code des faillites autorise un tribunal à valider ce type d’immunité sans le consentement de potentiels futurs plaignants. L’entreprise s’est déclarée dans une réaction à l’AFP «optimiste» quant à l’approbation par la Cour suprême de son plan de faillite mais a déploré que le recours du ministère de la Justice aboutisse à «retarder le versement de milliards de dollars d’indemnités aux victimes».
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La famille Sackler est accusée d’avoir soutenu pendant des années une promotion musclée du médicament antidouleur OxyContin, tout en ayant connaissance de son caractère très addictif. La surprescription de cet opiacé est généralement considérée comme le déclencheur d’une crise qui a fait plus d’un demi-million de victimes en 20 ans aux États-Unis. Visé par une avalanche de poursuites, le laboratoire s’est déclaré en faillite en 2019 et négocie depuis un plan dont la dernière version prévoit sa fermeture d’ici 2024 aux États-Unis au profit d’une nouvelle entité et le paiement d’au moins 5,5 milliards de dollars sur 18 ans.
Dans son argumentaire à la Cour suprême, le ministère de la Justice reproche à ce plan, validé par une décision d’une Cour d’appel fédérale, d’«exonérer absolument, inconditionnellement, irrévocablement, complètement, finalement et à jamais» la famille Sackler de toute poursuite envisageable au civil liée aux opioïdes. Cette exemption «n’est pas permise par le Code des faillites et constitue un abus du système de faillite», estime-t-il.
Le ministère demande donc à la Cour d’annuler la décision de la juridiction inférieure, sous peine de «laisser en place une feuille de route pour les entreprises et les individus fortunés afin de détourner le système de faillite et de se soustraire ainsi à leurs responsabilités en matière d’indemnisations massives».