Voilà de quoi envenimer un peu plus la guerre commerciale qui oppose Pékin et Bruxelles. Ce vendredi, la Chine a annoncé avoir lancé une enquête antidumping sur les « brandies » importés d’Union européenne, ces spiritueux produits à partir du vin. Une initiative qui s’attaque surtout au cognac et à travers lui à la France, principal pays européen exportateur avec ses marques phares telles que Martell, Rémy Martin et Hennessy. Coïncidence hasardeuse : l’annonce est tombée alors que la ministre du Commerce, Olivia Grégoire, était en déplacement en Chine pour, notamment, inaugurer l’année franco-chinoise du tourisme culturel en 2024.

Cette action a été prise après que l’Association chinoise des alcools a déposé une plainte en novembre dernier, se borne à indiquer le ministère du Commerce de Chine. L’enquête tombe surtout quelques mois après l’ouverture par l’Union européenne, en septembre dernier, d’une enquête concernant les subventions chinoises aux véhicules électriques. Une initiative activement soutenue par la France, qui s’inscrit plus largement dans une volonté de réduire la dépendance européenne à la Chine et qui passe mal du côté des autorités chinoises, y voyant là « du protectionnisme pur et dur ».

Dans le secteur des spiritueux, on déplore un dossier éminemment politique et diplomatique. « On ne peut pas s’empêcher de penser que nous sommes une victime collatérale. Le cognac, c’est la France », explique au Figaro Raphaël Delpech, directeur général du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Et pour cause, la Chine représente un quart des exportations de cognac tricolore en volume et se veut un marché de haut de gamme stratégique. D’ailleurs, l’effet a été immédiat en Bourse. Juste après l’annonce des autorités chinoises, l’action Rémy Cointreau, dont le cognac représente une majorité des ventes, a chuté et celle de Pernod Ricard a connu un recul notable. Dans les autres pays européens, le titre de Campari a également baissé à Milan, tout comme Diageo à Londres.

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Sur le fond du dossier, peu d’informations ont été communiquées sur les griefs chinois. Selon l’AFP, l’enquête porte notamment sur des soupçons de dumping – pratique visant à appliquer des prix plus bas de façon artificielle – entre octobre 2022 et septembre 2023 et devrait durer entre douze et dix-huit mois.

« Selon la plainte (déposée par l’Association chinoise des alcools, NDLR), le dommage causé par la concurrence déloyale se chiffrerait à 15,88 %. Ce qui signifie qu’en théorie, selon eux, il faudrait appliquer 15,88 % de droits de douane aux spiritueux visés. C’est un niveau très bas par rapport à ce qui est habituellement retenu dans d’autres plaintes », explique Raphaël Delpech.

Par comparaison, l’enquête antidumping ouverte par les autorités chinoises contre le vin australien en 2020 comprenait des taxes supérieures à 200 %. « Cela confirme que même pour eux, le dumping n’est pas évident. Le dossier n’est pas solide », poursuit Raphaël Delpech, insistant sur le fait que les pratiques commerciales du secteur sont pleinement conformes aux règles chinoises et internationales.