Après plus de deux ans de tractations, le géant bancaire britannique HSBC a cédé lundi, pour un montant non dévoilé, son réseau de banque de détail en France à la société My Money Group (MMG), contrôlée par le fonds américain Cerberus. L’opération est constituée d’un peu moins de 250 agences, de quelque 800.000 clients, de 3500 salariés, et de la marque Crédit commercial de France (CCF), remisée dans les placards par HSBC lorsqu’il avait acheté ce réseau il y a une vingtaine d’années pour s’implanter en France.
Cette cession s’inscrit dans la stratégie de recentrage d’HSBC sur le continent asiatique. Le nouveau CCF se voudra tourné vers une clientèle de professionnels, de libéraux et d’indépendants, comme des avocats ou des médecins, disposant de 50.000 euros d’avoirs et plus. «HSBC Continental Europe (HBCE) a réalisé, le 1er janvier 2024, la cession de ses activités de banque de détail en France à CCF filiale de Promontoria MMB SAS (My Money Group)», a annoncé HSBC dans un communiqué commun.
MMG travaille depuis des mois sur le nouveau CCF, sous l’égide de Niccolò Ubertalli, passé par la banque italienne Unicredit, nommé directeur général de la société en janvier 2023. L’objectif est de créer une «banque française patrimoniale et à taille humaine» en s’appuyant sur la marque CCF.
La cession des activités de banque de détail en France d’HSBC à My Money Group aura été un feuilleton comprenant de nombreux rebondissements. Les deux parties avaient d’abord annoncé en juin 2021 un protocole d’accord, suivi d’une première signature en novembre de la même année. Mais entre-temps, la hausse des taux d’intérêts des banques centrales a rendu la transaction moins certaine.
Un nouvel accord est finalement annoncé, mais la dernière ligne droite de la cession n’a pas été de tout repos, avec notamment une procédure d’alerte lancée par des élus syndicaux et un problème administratif lié à l’agrément bancaire qui va empêcher le transfert des responsables syndicaux dans la nouvelle entité.
La CFDT est particulièrement à l’offensive, craignant pour le devenir du réseau. Selon elle, les trois quarts des distributeurs automatiques de billets (DAB), hors services le temps de la «bascule», seraient amenés à disparaître, une information non confirmée par la direction. La filiale française coûtait aussi très cher au vendeur, qui avait enregistré à ce titre une dépréciation de 2,4 milliards de dollars au troisième trimestre 2022.
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My Money Group est une entreprise de droit français mais détenue par le fonds américain Cerberus, du nom du gardien des enfers dans la mythologie grecque, via une société basée aux Pays-Bas. Le transfert est aussi attendu que redouté par les salariés. «Attendu parce que seule une infime minorité regrettera HSBC, redouté parce qu’on va transférer vers une entreprise dont on ignore tout du projet commercial et stratégique», selon Eric Poyet, délégué syndical FO.
L’acquéreur est resté plutôt discret sur sa stratégie commerciale, mais il s’est fixé un moratoire d’un an. Il devrait dérouler un plan de relance de trois ans et s’appuyer pour son back-office sur la banque mutualiste bretonne Arkéa. Ce profil d’actionnaire s’inscrit cependant rarement dans le très long terme.
Le fonds Cerberus n’en est pas à son coup d’essai dans le secteur bancaire, puisqu’il avait déboursé 3,2 milliards d’euros en 2007 pour s’offrir l’ancienne banque syndicale autrichienne Bawag, menacée de faillite l’année précédente et introduite en Bourse dix ans plus tard.
Il a également acheté au Trésor britannique en 2015 un portefeuille de prêts hypothécaires issus de la banque défunte Northern Rock, nationalisée en 2008. S’en était ensuivi un bras de fer entre le fonds et un groupe d’emprunteurs, qui reprochaient à leur créancier de ne pas appliquer les nouveaux taux de marché, plus bas que ceux qu’ils avaient signés.