Au royaume de la gastronomie, le fast-food est-il devenu roi? Longtemps réduite aux zones urbaines périphériques, la restauration rapide est aujourd’hui présente dans la quasi-totalité des localités hexagonales, en ville comme à la campagne. Au point de dépasser parfois les 100 restaurants de fast-food pour 100.000 habitants. Grâce à des données exclusives fournies par la société de géomarketing Smappen, le Figaro dévoile le classement des 30 villes françaises dans lesquelles la restauration rapide (burgers, kebab, tacos) est la plus implantée.

Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas en Île-de-France que se trouvent les champions de la restauration rapide. Avec pas moins de huit villes présentes dans le classement (Givors, Villefranche-sur-Saône, Montélimar, Grenoble, Bourg en Bresse, Annemasse, Chambéry et Bourgoin), c’est bien la région Auvergne-Rhône-Alpes qui décroche la palme nationale de la fast-food. Plus largement, les burgers et autres mets dégustés sur le pouce sont monnaie courante en Bourgogne-Franche-Comté (Mâcon, Belfort, Chalon sur Saône, Dole), dans le Grand Est (Nancy, Sarreguemines, Charleville-Mézières) ou encore en Occitanie (Tarbes, Perpignan, Blagnac). Seule une localité francilienne, Melun, figure au classement, en vingt-cinquième position.

La restauration rapide n’est pas non plus l’apanage des grands centres urbains, comme on pourrait le croire. Si quelques villes de plus de 100.000 habitants semblent plébisciter la fast-food (Valenciennes, Mâcon, Lille, Nancy, Perpignan, Grenoble), ce sont surtout les villes moyennes qui semblent en raffoler: sur les 30 localités épinglées par le classement, 18 comptent moins de 50.000 habitants! Un nombre non négligeable d’entre elles se situe même sous le seuil des 30.000 habitants, à l’instar de Dole, Givors, Alençon, Sarreguemines ou encore Laon.

«Ce classement n’est pas très étonnant», estime pour sa part le spécialiste des modes de vie et des questions urbaines Jean-Laurent Cassely, auteur, avec Jerôme Fourquet, de l’ouvrage La France sous nos yeux (2021). «Ces localités ont pour point commun de rassembler une population à la fois plus jeune et plus pauvre que la moyenne nationale, et par là, davantage encline à consommer de la fast-food bon marché». Les dix premières villes du classement comptent, excepté Agde, davantage de jeunes que la moyenne nationale (35%). Pour Valenciennes, en tête du classement, la part des moins de 30 ans atteint même 42% de la population. Jeune et pauvre: ainsi pourrait-on, à l’aune de ce classement, qualifier la clientèle des restaurants fast-food traditionnels. En effet, alors que le taux de pauvreté des moins de 29 ans est de 14% à l’échelle nationale, il dépasse systématiquement les 20% dans les 10 premières villes du classement, avoisinant les 37% à Valenciennes. Ces mêmes localités sont en outre marquées par un taux de pauvreté global souvent supérieur de dix points à la moyenne nationale, comme à Valencienne (24%), Mâcon (29%), Givors (29%), Tarbes (26%) ou Belfort (26%).

Au-delà de leur appétence partagée pour la junk food, ces différentes localités sont liées par plusieurs caractéristiques socio-économiques. Le taux de chômage tout d’abord. À Agde, il s’élève à 18%: c’est presque deux fois le taux de chômage national. Il dépasse également les 13% à Valenciennes, Mâcon, Givors et Belfort. À Rouen, Lille ou Nancy, c’est le taux élevé d’étudiants (supérieur à 22%), qui pourrait expliquer la profusion des fast-foods. Moins jeunes et moins modestes, certaines villes présentent d’autres points communs, plus atypiques: la surreprésentation de travailleurs industriels, par exemple. Leur contingent est supérieur à la moyenne nationale dans plusieurs villes du classement (Belfort, Sarreguemines, Villefranche-sur-Saône, Bourgoin-Jallieu…). Autre fait marquant, sur les dix premières localités du classement, dix affichent un niveau de formation inférieur à la moyenne nationale, la part des diplômés du supérieur ne dépassant pas les 30% à Agde, Mâcon, Givors, Tarbes, Montélimar et Villefranche.

«L’autre point commun à identifier, c’est que 18 de ces 30 municipalités sont impliquées dans le plan gouvernemental Action Cœur de ville», souligne Jean-Laurent Cassely. Lancé en 2017, le programme a pour objectif, selon les dires d’Édouard Philippe, de «redonner vie à des centres-villes délaissés, vidés de leurs commerces, de leurs services et parfois de leurs habitants». «Ce sont des localités dans lesquelles les vacances commerciales sont nombreuses et dans lesquelles peu de commerces peuvent survivre», abonde Jean-Laurent Cassely. Peu de commerce… À l’exception des fast-foods, dont le positionnement prix est calibré pour la clientèle locale. «Les entrepreneurs désireux d’ouvrir un restaurant rapide y trouvent des locaux bon marché, ce qui n’est plus le cas dans les grandes villes», étaye le spécialiste. «Quant aux autorités municipales, elles sont plus tolérantes sur l’essor des fast-foods qu’ailleurs, car c’est une façon de dynamiser les centres-villes et de lutter contre les vacances commerciales». Les résistances à l’ouverture de restaurants fast-food restent en effet relativement marginales, malgré quelques tentatives remarquées à Grenoble, Dolus (Charente-Maritime) ou encore Sérignan-du-Comtat (Vaucluse).

Méthodologie :

Ce classement a été édité à l’aide du service de géomarketing, Smappen. Ce logiciel a agrégé des données présentes sur le web pour cerner avec précision le type de restauration proposé par les établissements recensés.