«N*que les juifs et n*que ta mère, vive la Palestine Ouais, Ouais. N*que les juifs et les grands-mères, On est des nazis, on est fiers». Mardi 31 octobre, une dizaine de passagers de la ligne 3 du métro parisiens entonnent ce chant antisémite à tue-tête. Confrontés à ces propos condamnables et choquants, les autres voyageurs de la rame affichent des mines déconfites. Une jeune femme filme la scène avant de la poster sur TikTok. Les réactions ne se font pas attendre. Relayée massivement par les internautes, la vidéo remonte jusqu’à la direction de la RATP et à la préfecture de police.
«Nous ne laisserons rien passer», s’est exclamé sur X (ex-Twitter) Laurent Nuñez. Le préfet de police de Paris précise avoir signalé à la justice ce mercredi des propos «choquants, inadmissibles, indignes (…) Tous les moyens d’investigations sont mis en œuvre pour retrouver rapidement les auteurs». Contacté par Le Figaro, le parquet de Paris confirme avoir été saisi par la préfecture de police pour «des chants, cris et propos antisémites et haineux proférés dans les transports en commun et circulant sur les réseaux sociaux». Il annonce avoir «aussitôt ouvert une enquête pour identifier et poursuivre les auteurs de propos réprimés par la loi, et susceptibles de revêtir différentes qualifications selon leur teneur».
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Dans ces investigations, le parquet pourra compter sur le soutien de la RATP. La régie des transports parisiens condamne fermement les propos et se tient à la disposition de la justice. Comme l’explique un porte-parole au Figaro, le juge d’instruction peut dans le cadre de son enquête demander la saisine des vidéos des caméras de surveillance. «Scandalisée par les chants antisémites», Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a ainsi assuré que le réseau Île-de-France Mobilités et la RATP tenaient «toutes les bandes de vidéoprotection à la disposition des enquêteurs».
En réalité, les entreprises de transports sont quelque peu démunies face à la multiplication des actes antisémites. Comme l’affirme au Figaro la RATP, «comme pour toutes les autres infractions, il faut systématiquement un dépôt de plainte» pour qu’elle puisse mettre à disposition les vidéos de ses 51.000 caméras réparties sur l’ensemble du réseau, «un atout important afin d’identifier les auteurs d’actes malveillants». «La priorité de la RATP est d’assurer la sécurité de ses voyageurs et de ses agents», avance la régie des transports, et pour cela elle dispose de 1 000 agents GPSR (groupe de protection et de sécurité du réseau) assermentés et armés. Quotidiennement, une centaine d’équipes patrouillent sur le réseau pour prévenir des actes malveillants. Opèrent également des agents de la Brigade des Réseaux Franciliens appartenant à la Police des transports et des agents de sécurités privés payés par Île-de-France Mobilités. Aucun dispositif spécifique n’est en revanche mis en place pour lutter contre les agressions racistes ou antisémites, comme c’est le cas pour pallier le trafic et la consommation de drogue ou encore le vol à la tire.
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Difficile pour autant de jeter la pierre aux entreprises de transport. Comme l’explique au Figaro Tina Theallet, responsable juridique de la Licra, «pour engager la responsabilité de l’entreprise, il aurait fallu qu’elle ait manqué à ses obligations de sécurité. Or, les agressions ou délits ne sont pas directement du fait de l’entreprise». Pour la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, «il ne fait aucun doute que les « chants » antisémites de la vidéo sont qualifiables pénalement». Et les sanctions peuvent être lourdes. «Les propos antisémites qu’ils soient tenus dans la rue ou dans le métro sont considérés comme publics et sont des délits passibles de la peine d’1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende», comme toute injure publique à caractère racial, diffamation publique à caractère racial, provocation publique à la haine à caractère racial et négationnisme. «L’apologie de crime contre l’humanité quant à elle est passible de 5 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende», précise Tina Theallet.
C’est pourquoi, «dès que nous avons eu connaissance de cette vidéo, nous avons immédiatement signalé les faits au Parquet et informé Madame la Procureure de la République de Paris que nous nous constituerons partie civile dans ce dossier si des poursuites étaient engagés contre les auteurs de ces propos abjectes», ajoute la représente de la Licra. Impensable en effet de rester passif alors que l’association constate une augmentation des signalements d’actes antisémites depuis le 7 octobre : «Ces dernières semaines nous avons reçu 3 fois plus d’appel qu’en 2022 pour des signalements d’actes antisémites» et «5 fois plus de signalements de contenus haineux sur les réseaux sociaux qu’en 2022». Pour la Licra, aucun doute, «ces chiffres sont alarmants et liés au contexte lié aux attaques terroristes du Hamas en Israël».
Si une personne est témoin ou victime d’un acte antisémite dans les transports, la Licra conseille de conserver des preuves – à savoir prendre des enregistrements vidéo ou audio ou témoignage des témoins qui pourront être d’une grande aide dans le cadre d’un dépôt de plainte pénale. Attention toutefois à ne pas diffuser les enregistrements sur les réseaux sociaux, surtout si les personnes sont identifiables. Elle recommande également – outre avertir un agent de la RATP – de se tourner vers les témoins pour trouver un soutien, de l’aide, mais également récupérer leurs coordonnées en vue d’un témoignage. Et enfin de déposer plainte auprès des forces de l’ordre rapidement, puisque les vidéos de surveillance de la RATP et de la SNCF sont conservées 72 heures.