Et si la France était un paradis fiscal qui s’ignore pour les classes moyennes ? Alors que le gouvernement prépare d’arrache-pied le budget 2024, ces ménages «trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre», selon l’expression d’Emmanuel Macron, espèrent voir la pression fiscale baisser dans un horizon proche. En mai dernier, le chef de l’État avait en effet promis un geste fort, en temps de vaches maigres budgétaires: deux milliards d’euros rendus aux «Françaises et Français qui travaillent dur, […] et qui, parce que le coût de la vie a augmenté, ont du mal à boucler la fin du mois».

Publiée en juillet dernier, une étude de l’institut allemand IFO permet toutefois de mettre en perspective le sentiment qu’ont ces classes moyennes d’être matraquées fiscalement. Elle compare le taux d’imposition de ces ménages dans 27 pays européens. Leurs calculs s’appuient sur les statistiques de l’Union européenne sur les revenus (UE-SILC), et plus précisément, sur les revenus de 2019. L’appartenance à la «classe moyenne», correspond, selon les chercheurs, à un revenu disponible – autrement dit, le revenu initial «augmenté des prestations sociales reçues et diminué des impôts versés» – compris entre 75% et 200% du revenu médian national.

L’ensemble a été subdivisé en trois sous-catégories: la classe moyenne inférieure (75% à 100% du revenu médian national), la classe moyenne intermédiaire (100 à 150%) et la classe moyenne supérieure (150% à 200%). En France, si l’on considère les données utilisées par l’étude, la classe moyenne inférieure dispose d’un revenu annuel disponible compris entre 16.921 et 22.562 euros annuels, la classe moyenne intermédiaire entre 22.562 et 33.842 et la classe moyenne supérieure, entre 33.842 et 45.124 euros.

Pour calculer la pression fiscale des classes moyennes, plusieurs configurations familiales sont prises en compte par les chercheurs: célibataire à revenu unique, famille à revenu unique avec deux enfants, famille avec deux revenus et deux enfants… Premier enseignement: dans tous les cas de figure, la France ne se distingue pas par une pression fiscale élevée, au contraire. Les familles françaises avec deux enfants et un revenu unique appartenant à la classe moyenne intermédiaire ne sont prélevés qu’à hauteur de 16%. La France se situe parmi les pays européens qui prélèvent le moins, entre Malte et la République tchèque. La pression fiscale de cette famille serait beaucoup plus forte en Italie (29%), ou en Allemagne (26%).

La France se rapproche davantage de la moyenne européenne pour ce qui est de la pression fiscale incombant aux familles à deux revenus et aux ménages isolés. Un célibataire de classe moyenne est ponctionné entre 27% et 34% de ses revenus en France. Mais là encore, la comparaison avec certains pays voisins se révèle instructive: pour peu qu’il appartienne à la classe moyenne supérieure, ce même individu serait prélevé à hauteur de 49% en Belgique.

Conséquence de son système redistributif et d’une fiscalité progressive, la France est particulièrement généreuse avec ses classes moyennes inférieures. Elle est même le seul pays – avec la République tchèque – où les familles moyennes inférieures ne possédant qu’un seul revenu bénéficient d’un taux d’imposition effectif négatif. Autrement dit, les aides sociales dépassent le niveau de prélèvement. C’est également le cas pour les familles inférieures à deux revenus. Les célibataires modestes sont, à première vue, les moins favorisés par l’État puisque leur taux d’imposition atteint près de 27%.

Cela dit, les classes moyennes supérieures ne sont pas davantage à plaindre en France. À revenu quasi équivalent, la classe moyenne supérieur belge est largement plus taxée, que ce soit pour les familles multirevenus ( 11 points) pour les ménages isolés ( 15), mais aussi, pour les familles mono-revenu ( 15). Même constat, bien que moins prononcé, pour l’Italie.

L’autre constat notable de cette étude est enfin le traitement de faveur dont bénéficient les familles à revenu unique dans l’Hexagone. Pour la catégorie «intermédiaire», une famille avec un seul adulte qui travaille est à peu près taxée de la même façon qu’une famille avec deux revenus. C’est loin d’être le cas dans la plupart des pays européens. Chez les autres membres de l’UE, les foyers mono-revenus sont bien plus taxés que les multi-revenus. L’écart est par exemple, de 13 points en Italie. Une conséquence du système redistributif tricolore.