«La France est à nouveau un pays qui assume son rôle de leader dans le nucléaire civil», souligne l’entourage d’Agnès Pannier Runacher, alors que la ministre de la transition énergétique rendait public ce lundi soir les noms des six nouveaux lauréats de l’appel à projets «réacteurs nucléaires innovants», à la veille de l’ouverture du World Nucleare Exhibition qui se tient ces 28, 29 et 30 novembre à Paris. Cet appel à projets a été lancé dans le cadre du plan France 2030, qui se voient attribuer un total de 77,2 millions de subvention financière. À cela s’ajoutent 18,9 millions au titre de l’accompagnement technique du CEA (commissariat à l’énergie atomique). Les montants débloqués varient en fonction de la structure de l’entreprise et de la maturité des projets. Au total un milliard d’euros seront consacrés aux SMR.

Selon nos informations, 5,2 millions d’euros ont été attribués à Calogena, une société créée par le groupe industriel familial Gorgé. «Calogena est le seul projet tricolore, avec Nuward d’EDF, à être porté par un groupe. Nous apportons donc une part plus importante de fonds propres qu’une start-up», explique Raphaël Gorgé, PDG du groupe Gorgé. Avec son SMR, il cible le marché du chauffage urbain, en fournissant une chaleur décarbonée, comprise entre 70 et 110 degrés. L’entreprise a déjà commencé à étoffer son équipe, avec notamment l’embauche de son directeur technique, Xavier Bravo, ex-conseiller auprès du directeur général d’Iter. «Notre objectif est de déposer le plus vite possible un premier dossier de sûreté auprès de l’ASN (Autorité de sûreté du nucléaire, NDLR). Nous visons le deuxième semestre 2024», ajoute Raphaël Gorgé qui se verrait bien en tête de file de cette nouvelle filière. Il estime que le marché du chauffage urbain représente à lui seul des dizaines de SMR. Pour gagner du temps, il a opté pour l’adaptation de technologies matures (réacteurs de troisième génération, à basse pression et basse température) et déjà éprouvées, un moyen de lever plus rapidement les réserves liées à l’usage du nucléaire.

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Un choix aussi fait par un autre lauréat de l’appel à projets, Jimmy Energy, dont le réacteur GTA (générateur thermique atomique) produit de la chaleur, cette fois destinée à l’industrie. Il se voit attribuer 32 millions d’euros dans le cadre de l’appel d’offres. «C’est un signal très positif à l’égard de nos partenaires. Cela montre que notre projet s’inscrit dans la politique de l’État, que nous avons la capacité de l’industrialiser», souligne Antoine Guyot, cofondateur et PDG de Jimmy, précisant qu’il a «déjà de premiers clients industriels», sans encore les nommer. La production de chaleur décarbonée s’avère un marché prometteur alors que certains procédés de fabrication ne peuvent s’en passer. Dans ce cas, la chaleur du SMR viendrait remplacer celle produite par des énergies fossiles, notamment le gaz naturel.

Blue Capsule, un autre lauréat, s’appuie lui aussi sur l’utilisation de deux technologies matures. D’autres équipes ont opté pour des technologies de rupture, à l’image d’Otrera, fondé par une équipe d’anciens du CEA, qui ont choisi de développer un système à deux réacteurs à neutrons rapides. Un processus similaire à celui retenu par Hexana. Enfin, Renaissance Fusion est, à ce jour, le seul projet sélectionné dans le domaine de la fusion nucléaire et non pas la fission. Une technologie dont le principal avantage est de ne pas générer de déchets ultimes. Ces noms s’ajoutent à ceux de la première promotion du plan. Les trois premiers lauréats, Nuward, Newcleo et Naarea, avaient été sélectionnés ce printemps. Au total quinze dossiers ont été déposés. D’autres sont donc encore à l’étude, «aucune technologie n’est écartée» a priori.