Plus d’un quart des stations de contrôle des nappes phréatiques en France, première source d’eau potable du pays, ont mesuré une contamination de l’eau au-dessus des normes environnementales pour au moins une substance depuis 2016, selon une enquête du journal Le Monde publiée mercredi. Sur près de 24.700 stations, 6900, soit 28%, ont enregistré au moins un dépassement des valeurs seuils de qualité environnementale entre 2016 et 2023 pour un ou plusieurs contaminants, analyse l’enquête, volet français d’un projet européen sur la pollution des eaux souterraines.
Le Monde s’est concentré sur une liste d’environ 300 contaminants, incluant pesticides, nitrates, solvants, bisphénol A, certains PFAS (dits «polluants éternels») ou encore les médicaments. En combinant les données de la période 2016-2021 envoyées par les autorités françaises à Bruxelles à celles de la Banque nationale d’accès aux données des eaux souterraines (Ades), qui s’étendent jusqu’à 2023, le quotidien dresse une cartographie «molécule par molécule» de la pollution des nappes en France, qui fournissent deux tiers de l’eau potable.
Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet «Under the surface», mené avec six médias européens, à l’initiative du média en ligne espagnol Datadista. Les pesticides, première source de contamination des eaux souterraines, ont été détectés dans 97% des stations et ont dépassé les normes dans près de 20% d’entre elles, situées en majorité dans les grandes plaines céréalières du nord de la France (Beauce, Picardie, Champagne), où les traitements phytosanitaires sont plus fréquents.
Les polluants d’origine industrielle dépassent les concentrations maximales dans 460 stations, principalement dans des bassins industriels des Hauts-de-France, du Centre ou du Lyonnais. Le trichloréthylène et le tétrachloroéthylène, classés cancérogènes probables, figurent parmi les substances les plus mesurées.
Le journal identifie également des dépassements pour les principaux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des polluants générés essentiellement lors de la combustion incomplète du charbon, du pétrole ou du gaz. Cette cartographie a «toutefois des limites», note le quotidien, puisque toutes les molécules ne sont pas recherchées partout de manière régulière. Par ailleurs, pour de nombreux polluants industriels, comme le bisphénol A, certains PFAS ou encore les médicaments, les autorités n’ont pas fixé de valeurs seuils.
Ces mesures démontrent toutefois «l’ampleur d’un problème longtemps ignoré – et qui ne va faire que s’aggraver», met en garde le journal. Ces eaux souterraines alimentent les cours d’eau et les sources, où les pollutions «ressurgissent», déclare dans l’article Florence Habets directrice de recherche au CNRS. «Nous, humains, on peut traiter nos eaux dans une certaine mesure, mais la biodiversité va continuer à être touchée», s’inquiète la scientifique.