L’indignation ne faiblit pas. Pour «rendre visible un phénomène invisible» quelque 80 personnes se sont rassemblées vendredi pour exprimer tristesse et colère devant le Decathlon de La Madeleine à Paris, où un intérimaire est décédé mercredi lors du déchargement d’un camion approvisionnant le magasin. Pour la CGT, le décès mercredi matin d’un jeune intérimaire de 25 ans est une «tragédie qui était évitable». La CFDT évoque aussi «un drame» qui «aurait pu être évité».

Les deux syndicats avaient appelé à ce rassemblement vendredi matin devant le magasin du centre de Paris. Après une minute de silence en présence d’une poignée d’élus communistes, Yanis Megal, représentant CGT en Île-de-France au sein de Decathlon, a expliqué vouloir «marquer le coup, cesser le travail et se retrouver à quelques pas de l’endroit où [leur] collègue est décédé».

La première organisation syndicale à Decathlon, la CFTC, n’a pas participé au rassemblement, préférant «agir dans le cadre des instances représentatives du personnel», a expliqué son délégué syndical central Grégory Labrousse. Jeudi après-midi, lors d’un CSE extraordinaire des magasins d’Île-de-France, les élus de cette organisation se sont dits «profondément choqués, mais malheureusement pas surpris» par l’accident.

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Le jeune intérimaire, dont la famille souhaite préserver l’anonymat, selon les syndicats, était envoyé par l’agence d’intérim Temporis, dont le directeur Morgan Boar s’est dit «dévasté», tout comme «les collaborateurs qui ont suivi le dossier et la famille», auprès du média En Contact, spécialisé notamment dans l’expérience client et les conditions de travail en entreprise.

L’accident est survenu «dans le contexte du déchargement d’un camion de marchandises», expliquait mercredi le parquet de Paris en précisant qu’une enquête pour homicide involontaire avait été ouverte. La même source a précisé vendredi que «les investigations portent d’une part sur les conditions matérielles de sécurité au travail, d’autre part sur l’imputabilité juridique des responsabilités dans l’accident».

En tout cas, «cela fait plusieurs années que les représentants syndicaux ainsi que les employés dénoncent la dangerosité de la réception des livraisons dans ce magasin», déplore la CFTC. «Le processus de réception des marchandises est particulier» à La Madeleine dans la mesure où celles-ci «sont déchargées sur le trottoir avant d’être descendues au sous-sol par un ascenseur», expliquait mercredi Fernando Da Costa, élu CFDT au CSE des magasins Decathlon de l’agglomération parisienne.

Cela «pose un certain nombre de problèmes liés à la sécurité et à la circulation», complète la CFTC. Mercredi, la direction de Decathlon avait adressé ses «pensées» «avant tout» à la famille et aux proches du jeune homme. Elle a rappelé vendredi qu’à «cette heure, une enquête est toujours en cours pour déterminer les causes de l’accident et du décès».

Mais les critiques des organisations syndicales vont au-delà du seul magasin de La Madeleine. «Ce n’est pas normal en 2023 que le chiffre d’affaires soit la seule boussole d’une entreprise», a tancé vendredi devant le magasin Aurélie Flisar, secrétaire générale adjointe de la CFDT Services. «Si Decathlon est une des entreprises préférées des Français, c’est surtout grâce aux femmes et aux hommes qui s’engagent dans leur métier», ont aussi tonné les élus CFTC en CSE.

L’entreprise qui, comme Auchan, Leroy Merlin ou Boulanger appartient à la galaxie Mulliez, «avait une éthique» en matière de qualité de vie des salariés «qui n’est plus aujourd’hui une priorité», regrette son délégué syndical central Grégory Labrousse. «L’entreprise se porte très bien, mais nos ratios de rentabilité ne cessent d’être de plus en plus exigeants, au bénéfice de nos actionnaires», estime-t-il. «Nous réclamons des investissements dans la sécurité et la qualité de vie au travail proportionnels aux dividendes versé aux actionnaires».

Decathlon, créé en 1976 à Englos dans le Nord, a dégagé en 2022 923 millions d’euros de bénéfice net pour des ventes supérieures à 15 milliards d’euros. L’entreprise emploie quelque 105.000 salariés dans 72 pays.