La foule de voyageurs avait de quoi être dépitée. «Les trains en direction de Londres ne circuleront pas aujourd’hui, nous vous invitons à échanger vos billets pour les prochains jours !» annoncent les employés d’Eurostar de la gare du Nord depuis leurs mégaphones. Alors que le tunnel sous la Manche est fermé à cause d’une grève surprise des salariés français d’Eurotunnel, filiale du groupe Getlink, déclenchée jeudi à midi, tous se demandent comment gagner l’Angleterre avant Noël.

Le grand hall de la première gare d’Europe est bondé, les écrans d’information sont sans appel : «Suite à un mouvement social inopiné du gestionnaire Eurotunnel, la circulation des trains Eurostar est interrompue.» «Cela fait deux heures que nous attendons ici. Nous n’avons reçu aucune aide», fustige Rughani Tushar, un touriste américain censé rejoindre Londres depuis Paris. «Nous avons regardé les vols, mais nous n’en trouvons pas de disponibles avant demain.»

De nombreux voyageurs, les yeux rivés sur leur téléphone, tentent également de trouver une solution alternative, quitte à entièrement recalculer leurs itinéraires. Catherine Leray a, par exemple, prévu avec sa famille de rejoindre Calais, via Lille, en train, pour ensuite monter dans un ferry à destination de l’Angleterre. «Ça va être chaotique, on ne sait pas à quelle heure on va arriver», s’inquiète-t-elle. Andrea, une touriste américaine préférant ne pas donner son nom de famille, se dit même «prête à louer une voiture» pour rejoindre le Royaume-Uni.

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Assise en tailleur sur le sol de la gare, son ordinateur ouvert devant elle et posé en équilibre sur sa valise, Claudia Roberts tente de trouver des billets d’avion pour rejoindre sa famille pour les fêtes. «C’est une dépense en plus dont j’aurais vraiment pu me passer avec mon budget étudiant», se lamente cette étudiante britannique de 21 ans en échange universitaire à Nantes. «Les billets d’avion sont à plus de 200 livres sterling !» Au moins 230 euros.

Catherine, 80 ans, était censée rejoindre son fils à Londres pour les fêtes de fin d’année. «J’avais fait mon passeport exprès», raconte-t-elle, visiblement déçue et contrariée. Elle ne sait pas si elle sera en capacité de rejoindre ses proches. «C’est vraiment typique des Français», s’emporte Tim Kelsey, quinquagénaire d’Oxford.

Les employés français d’Eurotunnel ont cessé le travail pour obtenir trois fois plus que les 1000 euros de prime de fin d’année que leur proposait la direction. De l’autre côté de la Manche, à la gare de St Pancras à Londres, l’annulation des trains à également provoqué un affolement chez les voyageurs voulant rejoindre le continent avant Noël.

Selon une journaliste de l’AFP présente sur place, les agents d’accueil et de sécurité de la gare, qui semblaient tout aussi pris au dépourvu, ont même dû faire sortir les passagers qui avaient déjà passé les contrôles de sécurité et patientaient sur le quai. «C’est une très mauvaise surprise. C’est n’importe quoi ici», trépignait Alain Fastré, un touriste belge.

Thomson Mouana, en vacances au Royaume-Uni avec ses trois enfants, devait rejoindre Paris pour prendre un avion pour rentrer chez lui en Afrique du Sud. À cause de la grève, il avoue «ne pas savoir quoi faire». «C’est inquiétant. (…) On est bloqués. Ils nous ont dit qu’on aurait un remboursement, mais comment ? (…) Nous n’avons pas d’argent !» «Nous n’avons pas encore d’informations sur l’état des services demain (vendredi). Nous vous invitons à consulter notre site web pour suivre les dernières informations», se contente d’indiquer Eurostar sur le réseau social X (anciennement Twitter).

En début de soirée, les syndicats d’Eurotunnel ont annoncé la fin de la grève surprise entamée à la mi-journée et la réouverture immédiate du tunnel sous la Manche, faisant valoir des discussions «porteuses de résultats» avec leur direction.