La France serait-elle allée trop loin dans sa volonté de meilleur encadrement du secteur numérique ? La Commission européenne a mis directement en garde Paris sur la conformité au droit communautaire de deux initiatives législatives récentes visant à réguler l’économie numérique et les réseaux sociaux, a confirmé l’AFP auprès d’un responsable européen vendredi. «Le 14 août, la Commission a effectivement envoyé une lettre à la France concernant les dispositions visant à encadrer les influenceurs et celles visant à instaurer une majorité numérique », a indiqué ce responsable européen à Bruxelles.

«L’objectif est de préserver l’intégrité du marché intérieur, tant dans la conformité des lois de tous les États membres avec le DSA que dans leur mise en œuvre», a-t-il ajouté. Le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA), la super-arme de Bruxelles pour réguler internet, s’applique depuis le mois d’août directement dans toute l’Union européenne. Il «prévoit également un système de surveillance et d’exécution clair, avec une répartition de compétences entre les autorités nationales et la Commission», a insisté cette source.

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Or, selon le média L’Informé, qui cite des extraits du courrier adressé par le commissaire européen Thierry Breton à la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna, l’exécutif européen considère que les lois promulguées semblent «contredire» le DSA, et invite le gouvernement à abroger des dispositions promulguées. Début août, Thierry Breton avait déjà indiqué devant le Parlement européen que «les États membres devraient s’abstenir d’adopter des législations nationales qui feraient double emploi» avec les règles européennes, «ou qui créeraient des dispositions plus strictes ou plus détaillées dans les domaines réglementaires concernés».

La proposition de loi sur la majorité numérique, déposée par le député de la majorité Laurent Marcangeli et adoptée durant l’été, prévoit d’obliger les réseaux sociaux à vérifier que leurs utilisateurs âgés de moins de quinze ans disposent d’une autorisation parentale. Le texte a été promulgué le 7 juillet mais le gouvernement n’a pas encore publié le décret lui permettant d’entrer en vigueur. L’entourage du ministre délégué au Numérique Jean-Noël Barrot n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP à ce sujet.

La proposition de loi sur l’influence commerciale, qui comporte certaines obligations de signalement et suppression de contenus illicites pour les plateformes, a été déposée en début d’année par les députés Arthur Delaporte (PS) et Stéphane Vojetta (Renaissance) et adoptée en juin dans le cadre d’une procédure accélérée. Le gouvernement défend actuellement devant l’Assemblée nationale un projet de loi sur la régulation de l’espace numérique.