Changement de tarifs en vue dans les Établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics et associatifs. C’est l’une des mesures phares de la proposition de loi «Bien vieillir» relative au grand âge et à l’autonomie, qui a été adoptée à l’Assemblée nationale la semaine dernière et qui doit être définitivement votée ce mercredi au Sénat. Le principe est simple : il s’agirait de moduler «le tarif journalier moyen afférent à l’hébergement» dans les établissements habilités totalement ou partiellement au titre de l’aide sociale, «en fonction des ressources des résidents dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État». Et ce, uniquement «pour les résidents ne relevant pas de l’aide sociale départementale».

Une mesure concrète dans un contexte où «beaucoup d’Ehpad sont en grande difficulté financière» et «mettent déjà en place une modulation des tarifs selon les résidents», souligne la députée Laurence Cristol, rapporteure de la proposition de loi, qui explique vouloir «encadrer la pratique». Avant de lancer : «Dans la mesure où la pratique existe déjà, autant l’encadrer pour qu’elle soit la plus éthique possible», alors que celle-ci s’appliquait jusqu’à aujourd’hui dans un flou juridique total. L’enjeu, selon l’élue, étant de faire en sorte que les Ephad puissent «continuer à proposer les mêmes services de qualité», quitte à passer par une hausse des tarifs, mais sans mettre «en difficulté financière les résidents et leurs proches».

Pour Annie Vidal, qui porte la proposition de loi «Bien vieillir» au côté de sa consœur Laurence Cristol, il est beaucoup trop fort de parler de «taxation des riches». «Il y aura juste deux tarifs», explique la députée, avec un tarif «pour les personnes habilitées à l’aide sociale à l’hébergement», qui – comme elle tient à le souligner – «ont très peu de ressources» et «ne sont pas du tout en capacité de financer une place en Ehpad» et un autre qui sera certes rehaussé mais restera «plus bas qu’ailleurs» pour les personnes non habilitées. «L’écart entre ces deux tarifs sera encadré et ne pourra pas aller au-delà d’une limite fixée par décret (…) sous la responsabilité et le contrôle du département», ajoute l’élue. En outre, il est selon elle très important de rappeler que ces «nouveaux» tarifs «ne s’appliqueront qu’aux nouveaux résidents», et pas aux résidents actuellement en Ehpad pour lesquels «les modalités tarifaires resteront celles appliquées à leur entrée».

«Le droit actuel n’était absolument pas cadré. Et s’il permettait en effet l’existence de conventions entre les départements et les Ephad (libres donc d’appliquer une hausse tarifaire pour certains résidents), il n’en existait aucun cadastre au niveau national», confirme de son côté le cabinet de Fadila Khattabi, la ministre déléguée chargée des Personnes âgées, qui souligne que c’était «une demande de beaucoup de professionnels du secteur». Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à partir du moment où un Ehpad est conventionné avec l’aide sociale, un seul et même tarif – très bas – s’applique pour tout le monde, y compris pour les résidents les plus aisés et non bénéficiaires de l’aide sociale. Sauf que – comme le pointe le ministère – «la majorité des Ehpad publics sont habilités» à l’aide sociale et proposent donc des tarifs «qui n’ont pas augmenté ces dernières années», malgré le contexte inflationniste.

Tout l’enjeu pour le ministère a été de faire en sorte de ne «pas fragiliser davantage les Ehpad publics», pour ne «pas qu’ils disparaissent faute d’avoir été trop “social”», tout en garantissant «une protection des ressources des personnes âgées et plus particulièrement des bénéficiaires» de l’aide sociale. Un «équilibre» désormais trouvé par la mise en place de ces deux tarifs, l’un pour les bénéficiaires et l’autre pour les non-bénéficiaires, permettant ainsi un rattrapage financier pour les établissements dont les tarifs n’avaient pas augmenté au même niveau que l’inflation. Sachant que le deuxième taux pour les non-bénéficiaires sera discuté et décidé à l’échelle départementale, et ne pourra dépasser un certain écart avec celui appliqué aux bénéficiaires, de sorte qu’un résident en paiera jamais trois fois plus qu’un autre. «Libre à eux d’appliquer un écart encore plus faible», tient à souligner le ministère.

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Cette nouvelle mesure «répond à un besoin d’équilibre budgétaire global des établissements publics» qui souffrent terriblement depuis plusieurs années «eu égard à leurs faibles tarifs journaliers appliqués», poursuit Annie Vidal. Cette dernière estimant en effet que ces tarifs, «beaucoup plus bas» dans les établissements publics «qu’ailleurs», sont en partie responsables de la difficulté de ces structures à maintenir leur «équilibre financier».

Un dispositif également salué par la Fédération hospitalière de France (FHF) représentant les établissements publics, qui se félicite de cette possibilité offerte aux Ehpad habilités «de moduler leurs tarifs pour les usagers ne relevant pas de l’aide sociale», «dans des proportions raisonnables et en fonction des ressources». Et si cette mesure «ne constitue pas à elle seule une réponse aux difficultés financières rencontrées par les Ehpad», elle «donnera la possibilité concrète de dégager à terme de nouvelles marges de manœuvre», poursuit la FHF, avant de rappeler que les conditions d’application de celle-ci restent encore à définir «par décret».

Pour autant, beaucoup d’experts expliquent qu’il faudra aller encore plus loin et refondre entièrement ce système qui repose sur des règles décidées à une époque où les enjeux n’étaient pas les mêmes, notamment compte tenu du fait que les personnes âgées ne vivaient pas aussi longtemps. «Il faut anticiper et revoir toute la politique du Grand âge», s’alarme en effet Arnaud Robinet, le président de la FHF, appelant à mettre en place «des mesures d’urgence pour débloquer de nouveaux moyens» pour les Ehpad. «Il est crucial d’adopter une loi qui fera date, pour construire enfin une société de la longévité. Cette transformation passera notamment par une indexation des recettes dans le secteur public sur l’évolution des dépenses et, à long terme, par un nouveau modèle de financement», conclut-il.