Le déclenchement de l’enquête était inévitable. Un peu plus de sept mois après l’énorme coup de filet réalisé au Portugal par les autorités locales soupçonnant des pratiques de corruption à grande échelle au sein de l’empire des télécoms Altice à l’initiative notamment de l’ex-numéro 2 et cofondateur du groupe, Armando Pereira, les autorités françaises se penchent à leur tour sur le dossier. Une source judiciaire indique auprès du Figaro que le parquet national financier a ouvert une enquête en septembre 2023 autour du groupe Altice, confirmant une information de Bloomberg. Il s’agit « d’une enquête préliminaire des chefs de corruption de personnes n’exerçant pas de fonction publique, blanchiment et recel de ces délits», le parquet ayant par ailleurs « saisi un service d’enquête».
«Cette ouverture d’enquête fait notamment suite aux révélations survenues à l’été 2023 faisant état de l’interpellation le 13 juillet 2023 de M. Armando Pereira par les autorités portugaises», poursuit cette même source, ajoutant que l’enquête préliminaire « est en cours». L’enquête des autorités portugaises soupçonne une dizaine d’employés et membres de l’état-major d’Altice de s’être enrichis à travers un système de commissions réalisées sur des transactions frauduleuses.
Une fraude de grande ampleur dont l’État portugais et Altice Portugal auraient été les principales victimes pour un préjudice qui dépasse la centaine de millions d’euros. Incarcéré au coeur de l’été mais relâché après le paiement d’une caution, Armando Pereira dément lui toute implication. «Armando Pereira ne souhaite qu’une chose : que l’enquête avance rapidement et efficacement, a indiqué son avocat, Jean Tamalet, à Bloomberg. Il espère être entendu pour que son honneur soit lavé».
De l’autre côté des Pyrénées, Altice s’est porté partie civile et à disposition des autorités portugaises dans la procédure en cours, sans jamais toutefois porter plainte contre Armando Pereira. Ni en France, ni au Portugal. Début août, lors d’une prise de parole rare pour les résultats trimestriels de son groupe, le propriétaire d’Altice Patrick Drahi avait indiqué que le volume des contrats de SFR concernés par l’enquête portugaise ne représentait que 2% du total des volumes d’achats d’Altice France. Une façon de minimiser le poids de cette affaire sur les opérations du groupe.
Quoi qu’il en soit, l’ouverture de cette enquête n’arrive évidemment pas au bon moment pour Altice. Lesté d’une dette colossale de 60 milliards de dollars, le groupe a promis en septembre une vaste opération désendettement passant y compris par des cessions. S’il était attendu, le déclenchement de cette enquête pourrait refroidir les ardeurs de certains investisseurs, notamment sur les dossiers les plus chauds comme la vente de l’opérateur portugais Meo, ou en France la cession de certains morceaux d’Altice France.