La vague n’en finit plus de se creuser. Les difficultés de recrutement que connaît le secteur de l’animation semblent bien loin de se résoudre. Avant l’été, près de 30.000 postes sur 350.000 étaient non pourvus. Les vacances passées, l’heure est au bilan pour les acteurs de l’éducation populaire. Mais leur baromètre annuel, que Le Figaro dévoile en exclusivité, ne révèle pas d’amélioration significative de la situation. Le constat est sans appel : les difficultés de recrutement se pérennisent. Comme l’année dernière, plus de sept employeurs sur dix font face à un manque de main-d’œuvre. Au point que la fédération patronale Hexopée et le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (Fonjep), co-auteurs de l’étude, demandent d’une même voix un coup de pouce de l’État.
Menée auprès de 1701 structures du secteur de l’éducation populaire en septembre dernier, l’édition 2023 «laisse apparaître une relative stabilisation des difficultés en 2022, 76,1% des répondants déclaraient avoir des difficultés de recrutement, ils sont 72,4% cette année», notent les auteurs. Trois employeurs sur dix affirment qu’elles se sont accrues, alors qu’ils étaient six sur dix l’an passé. Mais cette apparente accalmie masque en réalité une contraction de l’activité des structures. Car plus d’un quart des sondés affirment que les difficultés de recrutement ont impacté la tenue de leurs activités. «Les employeurs se sont résignés. Ils ont développé une forme de renonciation à se développer», analyse David Cluzeau, président d’Hexopée, le premier syndicat patronal du secteur de l’animation. Pour lui, «les patrons composent dorénavant avec un plus petit nombre de personnes, abandonnent leurs ambitions et proposent des activités moindres». Au risque «de ne plus pouvoir répondre aux besoins réels d’un territoire», ajoute David Cluzeau.
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L’enquête a mis au jour 6561 postes vacants. En première ligne figurent les métiers d’animateur saisonnier et permanent (avec respectivement 2157 et 1932 postes à pourvoir). Suivent aussi les fonctions administratives, de coordination, de restauration… «Depuis deux ans, le secteur manque de bras à tous les échelons et dans toutes ses branches», alerte le président d’Hexopée. Seulement, les facteurs explicatifs ont évolué. Alors que l’an dernier, l’inflation pesait lourdement sur l’attractivité du secteur pour les salariés, les principaux freins à l’emploi sont aujourd’hui l’accessibilité et le financement des formations, les difficultés de logements, le poids de la mobilité et l’amplitude horaire des postes.
Si «les efforts faits sur les salaires (prise en compte des temps de préparation et rehaussage des minima professionnels de près de 10% en deux ans) ont permis de pallier une partie du déficit d’attractivité, l’inflation risque de tout grignoter», constate amèrement David Cluzeau. Surtout qu’augmenter les salaires est quelque peu un casse-tête. «C’est un secteur qui rend service à toutes les franges de la population. Il est impossible d’augmenter simplement les tarifs des colonies et des centres aérés sans risquer d’être hors de portée de toutes les bourses», explique ce dernier.
Pour éviter que les difficultés de recrutement ne s’installent trop dans la durée, «le secteur a besoin d’un soutien de fonds, structurel et à long terme», avance le président d’Hexopée. S’il ne manque pas de saluer les politiques publiques prises pour soutenir l’attractivité des métiers de l’éducation populaire, David Cluzeau et Patrice Chenu, président du Fonjep, demandent tous deux un coup de pouce de l’exécutif concernant la formation des professionnels.
Hexopée et le FONJEP souhaitent ainsi « l’élargissement du “Plan 1000 CQP” [Certificat de qualification professionnel, NDLR] vers d’autres formations certifiantes ou qualifiantes, et particulièrement les diplômes de la jeunesse et l’éducation populaire afin de créer un “choc d’offre” soutenu par les pouvoirs publics vers les métiers de l’Éducation populaire». De plus, «le fléchage des économies faites grâce à la suppression de 30.000 emplois aidés prévue par l’exécutif vers le Fonjep serait un bon début», avance David Cluzeau. Grâce à cela, le montant financier des «postes Fonjep» (aides de 7 000 € à 8 000 € versées par l’État via le Fonjep à des associations jeunesses et déduction populaire) pourrait être poussé jusqu’à 10.000 euros, et ainsi «renforcer ce levier majeur de la professionnalisation des associations».