Lorsqu’on lui diagnostique un cancer de la thyroïde fin 1999, Béate Bartès cherche des informations et finit par dénicher un petit forum de discussion créé sur internet par un patient en langue allemande, sa langue maternelle. «Ses utilisateurs m’ont rassurée en m’expliquant que ce cancer pouvait guérir et m’ont préparée à l’opération. Cela m’a tellement aidée que j’ai eu envie de créer un forum français», explique-t-elle.
Mis en ligne dès octobre 2000, le forum Vivre sans thyroïde est d’abord un espace virtuel d’échange d’expériences entre patients atteints d’un cancer de la thyroïde. Il s’est ouvert par la suite à des personnes souffrant d’autres pathologies de cette glande productrice d’hormones située à la base du cou. En août 2007, une association du même nom est créée pour faciliter sa gestion et son financement, mais aussi pour mieux défendre les intérêts des patients. Elle s’adjoint un conseil scientifique et adhère à la Fédération internationale de la thyroïde.
Animé par Béate Bartès et par une poignée de bénévoles, le forum compte désormais de nombreuses rubriques. «Il n’apporte pas de conseil médical, mais permet de trouver des informations faciles à comprendre sur le diagnostic et les traitements, précise Béate Bartès. Il assure en quelque sorte le service après-vente des médecins!» L’accès est libre et gratuit, les seuls revenus de l’association provenant des cotisations et des dons des quelques centaines d’adhérents.
L’association participe à des congrès et colloques et organise elle-même des rencontres entre membres («cafés thyroïdes» à Paris ou à Toulouse), ainsi que des conférences grand public. Elle a noué des partenariats avec des réseaux médicaux spécialisés et coopère avec l’Institut national du cancer (Inca) et la Ligue contre le cancer. «Nous sommes sollicités pour des enquêtes et participons à des groupes de travail», indique Béate Bartès. Avec l’Association française des malades de la thyroïde (AFTM), Vivre sans thyroïde a ainsi représenté les patients lors de l’élaboration des nouvelles recommandations sur la prise en charge des dysthyroïdies chez l’adulte, publiées par la Haute Autorité de santé (HAS) en mars 2023.
Elle est aussi en première ligne dans l’affaire du Levothyrox, un traitement à base d’hormone thyroïdienne de synthèse commercialisé par le laboratoire Merck, prescrit à près de 3 millions de Français. Une nouvelle formule mise sur le marché fin mars 2017 a provoqué quelque 36.000 signalements d’effets indésirables, parfois très handicapants. «Merck et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ont manqué de prudence», juge Béate Bartès, qui n’a pas compté ses heures pour écouter les victimes et participer aux réunions de crise avec les autorités sanitaires.
Vivre sans thyroïde est, par ailleurs, partie prenante de plusieurs procédures en justice. Après une première condamnation au civil, Merck a été mis en examen au pénal pour tromperie aggravée en octobre dernier. En décembre, l’ANSM était, à son tour, mise en examen pour tromperie… Le combat n’est pas fini.