« Certains ont la capacité de s’endormir en quelques minutes, mais je suppose que ce n’est pas votre cas en ce moment. Alors soyez à mon écoute. Concentrez-vous… », propose la sophrologue d’une voix douce au tempo régulier, au cours d’une séance en ligne destinée à rétablir des nuits de qualité. Est-ce vraiment efficace ? Cela dépend… « Pour combattre l’insomnie, j’ai fait de la sophrologie pendant quatre ans, mais ce n’était pas vraiment ça », estime Evelyn, la soixantaine. Alors, que penser de cette technique ou d’alternatives aux médicaments comme la relaxation ou la méditation ? En quoi sont-elles utiles à l’insomniaque ?
« Ces techniques sont incapables de régler à elles seules les problèmes. La seule approche non médicamenteuse dont l’efficacité fait aujourd’hui consensus est la thérapie comportementale et cognitive de l’insomnie (TCCi) », prévient Joëlle Adrien, neurobiologiste et directrice de recherches émérite à l’Inserm. Elles peuvent néanmoins aider l’insomniaque à glisser dans les bras de Morphée, dès lors qu’une TCC lui permet en parallèle de comprendre comment s’opère la bascule entre l’éveil et le sommeil, et quels sont les comportements à adopter et les idées reçues dont il faut se débarrasser.
« L’anxiété est souvent présente chez l’insomniaque. Avec elle, un tonus musculaire accru et des pensées négatives qui s’opposent à l’endormissement ou au maintien du sommeil », commente Charlotte Chaumereuil, neuropsychologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. « L’idée, c’est donc de faire baisser cette anxiété, que ce soit par le contrôle de la respiration, la détente de tous les muscles ou l’imagerie mentale. » Et il n’est alors pas inutile de commencer par s’initier à la pratique avec quelques séances chez un thérapeute. Par exemple, pour apprendre à relâcher ses muscles et se libérer de toutes les tensions accumulées pendant la journée.
« On peut y parvenir en suivant plusieurs méthodes, comme la relaxation progressive ou le training autogène », poursuit la neuropsychologue. Mise au point au siècle dernier par le médecin américain Edmund Jacobson, et pouvant s’effectuer assis ou debout, la première consiste à tendre, puis relâcher successivement tous les muscles des pieds à la tête, en inspirant avant chaque contraction, et en expirant longuement lorsqu’on relâche la tension. La seconde, élaborée un peu plus tard par le médecin allemand Johannes Heinrich Shultz, est une technique d’auto-hypnose où l’on doit concentrer ses pensées sur son corps. La respiration, là encore, y occupe une place importante.
À lire aussiLa relaxation musculaire progressive, cette précieuse méthode pour s’endormir facilement
Relaxation et respiration sont également au cœur de la sophrologie, du yoga et de diverses pratiques comme la méditation pleine conscience. Psychiatres et psychologues pointent toutefois les risques de ces pratiques en cas de troubles psychiques. De plus, voilà quatre ans, lors d’une conférence de consensus sur l’insomnie, la Société française de recherche sur le sommeil n’a pas été très positive : elle a estimé manquer de preuves étayées pour les thérapies de pleine conscience ou l’hypnose, ne pas avoir de données pour la sophrologie, et disposer d’un nombre insuffisant d’études pour le yoga.
Au Centre du sommeil et de la vigilance de l’Hôtel-Dieu, le Pr Damien Léger invite, par ailleurs, à la prudence, soulignant l’absence « de diplôme reconnu de relaxation ». « Le niveau des personnes se réclamant de ces techniques de sophrologie ou de relaxation est très variable, parfois nul. » Il faut demander conseil à son médecin.
Aussi performantes soient-elles, les TCCi semblent aujourd’hui manquer de thérapeutes. D’où l’intérêt de séances à distance, en ligne ou via des applis. La période de confinement liée au Covid a permis de valider les premières. Quant aux programmes en ligne comme celui (payant) de TheraSomnia et aux applis telles la britannique Sleepio (payante) ou la française Kanopée (gratuite), ces dispositifs restent en cours d’évaluation. Mais ils pourraient se substituer aux thérapeutes lorsque l’insomnie n’est pas trop sévère, avec une prise en charge immédiate.