C’est un paradoxe: alors même que l’épidémie d’obésité prend des proportions alarmantes, notamment en France, où un habitant sur deux est concerné, une série d’études tendent à montrer qu’un surpoids modéré aurait un effet protecteur lorsque l’on avance en âge, avec, en particulier, une réduction de la mortalité. Une analyse de la littérature scientifique réalisée il y a quelques années par des chercheurs australiens a ainsi noté que les seniors affichant un indice de masse corporelle (IMC) un peu supérieur aux recommandations officielles de l’OMS (IMC entre 18,5 et 25) vivaient plus longtemps. Plus précisément, le risque était moindre si leur IMC était de 27,5, comparé à ceux se situant dans la fourchette «normale» de 20 à 21 ; et de celle marquant l’obésité, supérieure à 33. Au total, selon ces chercheurs, les personnes de plus de 65 ans à l’IMC compris entre 23 et 33 sont les mieux placées du point de vue de la longévité. Du côté des hommes, d’autres travaux pointent qu’une adiposité modérée, y compris quand elle est abdominale, a un effet positif sur la longévité et que surtout, le fait d’être maigre est clairement défavorable à la santé des hommes âgés.
Comment comprendre ces résultats? Sachant que l’on connaît bien les effets délétères de la prise de poids sur la santé: augmentation du risque de maladies cardiovasculaires ; de diabète de type 2 ; de certains cancers ; de problèmes articulaires… En outre, une personne âgée, qui a des problèmes de mobilité, risque d’autant plus de souffrir avec un poids qui s’élève. Faut-il alors faire un régime, alors que la prévalence de l’obésité chez les 65-70 ans est d’environ 20 %? «Tout est dans la mesure et la personnalisation. À chacun ses besoins, à chacun ses recommandations nutritionnelles», souligne un spécialiste parisien. «Je vois dans mon cabinet des dames de 75 ans qui souhaitent maigrir parce qu’elles l’ont fait leur vie durant. Mais si le surpoids est modéré, c’est-à-dire qu’elles ne sont en aucun cas en situation d’obésité avec un IMC supérieur à 30, je leur fais valoir ce qui est le plus important, c’est de préserver leur capital musculaire, pour combattre l’ostéoporose, rester dynamique, éviter les chutes…»
Car, quand on perd du poids, on perd des muscles, en particulier, quand le régime alimentaire restrictif ne s’accompagne pas d’un bon niveau d’activité physique. Ce qui explique que les personnes maigres, avec une IMC inférieure à 20, ont un risque plus élevé de mortalité que d’autres, plus enveloppées. Une alimentation trop restrictive peut rendre une personne vulnérable au moment où elle est frappée par une maladie grave. De l’autre côté de la balance, l’obésité est tout aussi délétère avec trop de masse grasse qui conduit l’individu à moins bouger, et donc aussi à la sarcopénie. Il est donc préférable, en tenant compte de la sarcopénie, d’être en léger surpoids qu’en sous-poids, ou à un poids dit idéal mais en ayant perdu du muscle.
Comment se situer alors dans la bonne fourchette? Il convient de garder une alimentation équilibrée, et de forcer sur les protéines garantes du maintien des capacités musculaires, sans oublier l’activité physique adaptée à chacun.
Les derniers chiffres du surpoids et de l’obésité en France, rendus publics en février dernier, ne sont pas bons. Si la prévalence du surpoids fluctue sans grand changement autour de 30 %, celle de l’obésité ne cesse d’augmenter à un rythme rapide. Elle est ainsi passée de 8,5 % en 1997 à 15 % en 2012 et 17 % en 2020. Côté tranches d’âge, les seniors sont davantage en surpoids ou obèses que les plus jeunes: l’excès de poids touche 57,3 % des 65 ans et plus contre 23,2 % des 18-24 ans. Néanmoins, c’est chez les plus jeunes que l’augmentation de prévalence de l’obésité au fil des ans est la plus forte. Quant aux différences entre les sexes, en 2020, les hommes sont plus souvent en surpoids que les femmes (36,9 % contre 23,9 %), mais c’est l’inverse pour l’obésité. On dénombre 17,4 % d’obèses chez les femmes contre 16,7 % chez les hommes.