Après avoir été adoptée le 27 mars par la commission du développement durable, la proposition de loi visant à «protéger la population des risques liés aux PFAS», couramment appelés « polluants éternels », sera défendue par le groupe écologiste EELV devant l’Assemblée nationale ce jeudi 4 avril. L’initiative est portée par le député Nicolas Thierry qui, lors de son allocution devant la commission, s’est indigné de l’ « exposition subie » par les populations alors que «les scientifiques considèrent que ces substances représentent un sérieux risque pour la santé».

Ces PFAS, ou substances per- et polyfluoroalkylées, sont des composés chimiques largement utilisés dans l’industrie mais aussi présents dans de nombreux produits du quotidien tels que les revêtements antiadhésifs des ustensiles de cuisine, les emballages alimentaires, les produits ménagers ou encore les textiles. « Parce qu’ils se dégradent difficilement naturellement ou à l’aide de techniques de dégradations puissantes (incinération, irradiation par ultrasons), ils persistent pendant des décennies dans l’environnement. », explique Xavier Coumoul, professeur de toxicologie à l’université de Paris Cité. Capables de s’accumuler dans les sols, l’eau, les denrées et les tissus biologiques, leur omniprésence est ainsi devenue une préoccupation majeure en raison de leurs effets néfastes sur la santé humaine et les écosystèmes. Plusieurs PFAS sont notamment associés à divers troubles hormonaux, hépatiques et des problèmes de fertilité, tandis que certains ont été classifiés comme « cancérogènes » par le Centre international de Recherche sur le Cancer. Parmi eux, les PFOA et PFOS ont été interdits dans l’Union européenne respectivement depuis 2020 et 2009.

Face aux risques liés à l’exposition de cette famille de polluants (comprenant 4000 à 9000 composés), les députés écologistes souhaitent les faire interdire une bonne fois pour toutes. Dans sa version présentée à l’assemblée, la proposition de loi envisage d’interdire « la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des produits contenant des PFAS », à partir de 2026 pour tous les produits à usage alimentaire, les cosmétiques et le fart (produit pour améliorer la glisse des skis). Pour le reste des produits contenant des PFAS, la décision est laissée au règlement européen qui a entamé une procédure pour établir des restrictions à plus grande échelle.

L’article 1 propose également d’intégrer certains PFAS dans le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables, en réponse à l’excès de polluants éternels retrouvés dans l’eau du robinet des Français. Le deuxième article soutient quant à lui l’instauration du principe pollueur-payeur, « afin que les industriels à l’origine de la pollution contribuent financièrement à la dépollution », en reversant une redevance auprès des agences de l’eau.

Soutenue par des associations telles que Générations futures, la proposition de loi ne semble toutefois pas convaincre tous les élus, notamment ceux de la majorité et de la droite, qui souhaitent repousser les délais d’interdiction. Les opposants regrettent par ailleurs qu’aucune distinction ne soit faite entre les PFAS dont les effets nocifs sont avérés, et les autres composés . À la veille de l’examen de la loi, Jean-Marc Zulesi, président de la commission développement durable, a confié au Figaro trouver « important que l’on puisse faire en sorte que la proposition de loi soit adoptée dans le cadre d’un compromis trouvé avec la majorité, en particulier sur le sujet de décaler l’entrée en application de l’interdiction des PFAS dans les ustensiles de cuisine à 2030, comme proposé dans l’amendement du député Cyrille Isaac-Sibille. »

De leur côté, les industriels n’ont pas attendu pour exprimer leur colère. En signe de protestation, syndicats et employés du groupe électroménager SEB, dont fait partie l’entreprise Tefal, ont été nombreux à se déplacer devant l’Assemblée nationale à la veille de l’examen de la proposition. « Ce sont près de 3 000 emplois qui sont menacés et l’avenir de l’entreprise Tefal qui est en péril. En prévoyant l’interdiction des PFAS dans les ustensiles de cuisine, c’est tout un secteur industriel français qui peut être amené à disparaître », soulignent les principales organisations syndicales de Tefal dans un communiqué de presse. Le géant de l’électroménager affirme ne pas utiliser de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l’environnement dans la fabrication de ses produits, notamment les célèbres poêles Tefal. Tout est question d’usure, mettent en garde les scientifiques. Pas plus tard qu’en 2022, des chercheurs alertaient sur un potentiel effet cancérogène en cas de dégradation des revêtements antiadhésifs en téflon (PTFE) présents sur à la surface des casseroles et des poêles, un composé en théorie interdit depuis 2020 au sein de l’Union Européenne.