C’est un grand classique de l’hiver: depuis quelques semaines, la gastro-entérite fait son grand retour dans l’hexagone, comme dans tous les pays européens. Entre Noël et le nouvel an, le taux de consultations en médecine générale pour diarrhée aiguë a bondi de 39%, selon Santé publique France. Les virus responsables de cette infection intestinale sévissent bien sûr toute l’année, mais encore plus en hiver, quand le froid accroît notre promiscuité. «Cela s’était considérablement calmé ces dernières années avec les confinements, et cela remonte depuis 2022. Cette année pourrait être une grosse année à gastro-entérites», prévoit le Pr Alexis de Rougemont, directeur du Centre national de référence des virus des gastro-entérites au CHU de Dijon. Durée de contagiosité et de l’immunité, mode de contamination… Que vous ayez ou non déjà été touché, il est temps de lire cet article pour vous éviter un mauvais moment.

Si quelqu’un vous annonce être tout juste guéri d’une «gastro», méfiance… car il est peut-être encore contagieux ! En effet, la durée d’incubation (temps entre la contagion et l’apparition des symptômes) est très courte (24 heures en moyenne), de même que celle de la maladie (2 à 3 jours), mais la période de contagiosité est redoutablement longue. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle n’est pas du tout corrélée à la présence de symptômes. Le pic d’excrétion du virus dans les selles a lieu 3 à 10 jours après l’infection, mais le malade continue de le répandre deux à trois semaines après la disparition des symptômes ! Chez les bébés et les personnes âgés, ce délai peut être reporté à 6 semaines. Quant aux personnes immunodéprimées, elles peuvent émettre des norovirus (le principal responsable de gastro-entérites) dans leurs selles au-delà de 2 ans.

Même si la maladie n’est pour vous plus qu’un vilain souvenir laissé dans votre rétroviseur, mieux vaut continuer de vous laver les mains méticuleusement (surtout avant de faire la cuisine ou de prendre les transports en commun) et de nettoyer les surfaces potentiellement contaminées, comme les toilettes. L’idéal étant de ne pas partager avec d’autres le petit coin pendant cette période à risque.

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Les virus responsables de la gastro-entérite (norovirus et rotavirus) sont très contagieux. Ils se transmettent très facilement et rapidement, principalement par voie féco-orale. Le mécanisme est simple: une personne malade vomit ou a la diarrhée. D’une façon ou d’une autre, elle se retrouve avec de nombreux exemplaires du virus sur les mains. Si elle fait l’impasse sur leur lavage méthodique, elle va semer du virus un peu partout derrière elle : sur les poignées de porte, dans les transports en commun, sur ses ustensiles de cuisine… Or non seulement un malade émet de grandes quantités de virus (plusieurs millions de particules par millilitre de selles ou de matières vomies), mais les norovirus sont aussi extrêmement résistants dans l’environnement. Ils n’ont alors plus qu’à attendre patiemment qu’un autre humain – en touchant une surface infectée, puis en portant ses mains à sa bouche – leur offre un nouveau point de chute. On peut aussi être contaminé par contact direct avec le malade (à noter que le virus peut aussi se trouver dans la salive). Et pour être contaminé, pas besoin d’une grande quantité de virus: «moins de 100 particules suffisent théoriquement à provoquer la maladie», souligne le Pr Alexis de Rougemont.

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Vous avez vu récemment cet ami qui vous a raconté que sa compagne sortait tout juste d’une méchante «gastro». Là aussi, méfiance. Car il pourrait bien lui aussi être infecté, même s’il n’en a pas l’air ! «Parmi les personnes en contact avec le virus, une part non négligeable ne va pas développer de symptômes, mais elles peuvent tout de même rejeter du virus en quantité importante», prévient le Pr Alexis de Rougemont. On parle alors de cas «asymptomatique», comme c’est le cas pour le Covid-19. L’air de rien, ces heureux élus participent activement à l’essor de l’épidémie. Alors si une ou plusieurs personnes de votre foyer tombe malade et pas vous, estimez-vous chanceux et lavez-vous tout de même bien les mains !

C’est une bonne nouvelle : seule la moitié de la population environ est susceptible aux norovirus, les principaux responsables de la gastro-entérite. Cela s’explique en partie par le fait que certaines personnes développent une immunité très efficace au niveau intestinal, et ce dès le début de l’infection. Pour d’autres (environ 20% de la population), cette protection est due à une particularité génétique qui leur confère une résistance naturelle aux norovirus. «Nous avons normalement une enzyme qui synthétise des ligands à la surface des cellules intestinales», expose le Pr de Rougemont, «Ces ligands sont indispensables pour que le virus puisse se répliquer. Or certaines personnes ont une mutation au niveau de cette enzyme, elles ne fabriquent pas de ligand et sont donc naturellement protégées.»

Si vous appartenez à l’autre catégorie, non seulement l’immunité consécutive à l’infection est courte (quelques mois à un an), mais elle est aussi très partielle. Les norovirus représentent en effet une grande famille de virus, et l’immunité acquise suite à une infection par l’un de ses membres ne fonctionne pas sur les autres. Il est donc tout à fait possible de faire deux «gastros» très rapprochées, dues à deux virus différents.

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Vous avez peut-être vécu la scène pendant les fêtes de fin d’année : l’un de vos proches a été malade après avoir mangé une huître. Quelques jours plus tard, d’autres membres de la famille ont développé les mêmes symptômes. Mais cette fois, les huîtres ne pouvaient pas être incriminées puisqu’un délai de quelques jours s’était écoulé depuis leur consommation, ou peut-être n’en avaient-ils eux-mêmes pas mangé… Comment expliquer qu’ils soient tout de même touchés ?

Si l’être humain est le principal réservoir des norovirus, les huîtres peuvent être considérées comme des réservoirs secondaires et temporaires. «Nous avons mis en évidence l’existence de ligands spécifiques dans les huîtres qui permettent aux norovirus de s’y fixer», explique Soizick Le Guyader, chef du laboratoire Santé, environnement et microbiologie à l’Ifremer, spécialiste des norovirus. Mais rien ne permet d’y déceler la présence du virus à l’œil nu. «Les huîtres contaminées ne sont pas malades, le virus n’est pas capable de s’y multiplier. Cela ne change pas du tout leur aspect ou leur odeur», précise encore la scientifique. Le virus y est pourtant bel et bien présent, et capable de vous rendre malade. Les huîtres ne doivent pourtant pas être trop blâmées: leur contamination par des virus donnant la «gastro» est toujours secondaire à des rejets de matières fécales contaminées dans l’environnement par les populations, alors qu’une épidémie de gastro-entérites sévit. C’est pourquoi chaque hiver, des zones de production conchylicoles se retrouvent interdites à la vente.