Tout le monde a déjà eu la diarrhée à l’occasion d’une gastro-entérite ou d’une intoxication alimentaire. Généralement de courte durée, les symptômes s’estompent naturellement, parfois avec l’aide d’un traitement. Mais lorsqu’ils persistent au quotidien, les choses prennent une autre tournure. On parle alors de diarrhée chronique. Très handicapante, elle peut durer tant qu’elle n’est pas prise en charge, avec un retentissement important sur la vie quotidienne. Et bien que certains puissent trouver gênant d’en parer au médecin, une consultation s’impose car, dans certains cas, une diarrhée chronique est le reflet d’une pathologie plus grave.
Une diarrhée est dite prolongée lorsqu’elle perdure deux à quatre semaines et chronique lorsqu’elle se maintient au-delà d’un mois. Elle se manifeste alors par l’émission de selles molles à liquides de façon trop fréquente, généralement plus de trois fois par jour. D’autres symptômes peuvent y être associés, comme la présence de glaires (substances blanches ou translucides qui proviennent du rectum ou du côlon) ou de sang dans les selles, des douleurs abdominales, des ballonnements, des spasmes intestinaux avec flatulences, des nausées et/ou vomissements, une fatigue ou encore des «faux besoins» (une impression d’avoir envie d’aller à la selle).
Lorsqu’une diarrhée survient soudainement et dure moins d’une semaine, on parle de diarrhée aiguë. Souvent bénignes, ses origines peuvent être diverses, allant d’une gastro-entérite virale à une infection bactérienne ou parasitaire. Tout en restant vigilant notamment au risque de déshydratation, en particulier chez les plus fragiles (nourrissons, personnes âgées…), il faut savoir la respecter: la diarrhée est utile pour éliminer le pathogène qui l’a provoquée.
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L’alimentation est l’une des causes non pathologiques les plus fréquentes de diarrhées chroniques. Typiquement, les personnes qui présentent des intolérances au fructose (fruits, miel), au gluten, au lactose auront des diarrhées à chaque fois qu’elles consomment des aliments qui en contiennent.
Les réactions médicamenteuses. Dans le cas où une diarrhée se manifeste chroniquement, il faut également s’interroger sur l’introduction potentielle d’un nouveau médicament dans son quotidien (comme des antibiotiques), car ils peuvent en être la cause.
Une consommation excessive d’alcool, de façon chronique, peut altérer le fonctionnement normal des enzymes du pancréas en provoquant une insuffisance pancréatique. On parle de pancréatite chronique. «Les selles sont alors graisseuses en raison d’une malabsorption de certains aliments. Cela peut s’accompagner d’une perte de poids importante et de façon involontaire», explique le Dr William Berrebi, gastro-entérologue et hépatologue à Paris, membre de la société française de gastro-entérologie, de la société française d’endoscopie digestive et auteur des livres Médecine microbiotique : votre nouvelle ordonnance pour être en bonne santé (ed. Marabout, 2022) et Mission ventre plat (ed. Marabout 2023).
L’abus de laxatifs est susceptible d’altérer le fonctionnement normal du système digestif. Il se traduit par une irritation du colon et un déséquilibre dans la production de sels minéraux (potassium, magnésium, etc.), à force de stimuler artificiellement les mouvements intestinaux.
Un état d’anxiété peut favoriser les troubles gastro-intestinaux, y compris une diarrhée en provoquant une augmentation de la production du cortisol, une hormone «du stress» produite par le cerveau, qui peut venir déséquilibrer le microbiote intestinal. «Attention toutefois, le stress n’est pas une cause de diarrhée à lui seul mais il peut exacerber les symptômes de patients atteints par exemple du syndrome de l’intestin irritable», prévient le Dr William Berrebi.
L’accélération du transit intestinal (diarrhée motrice) est principalement due à des troubles de la motilité intestinale qui affectent la contraction et de la coordination des muscles intestinaux. «Ils deviennent alors trop actifs, provoquant des contractions excessives et rapides qui entraînent une évacuation accélérée des selles à travers le côlon», explique le Dr William Berrebi. Cela peut être la conséquence de plusieurs pathologies comme le syndrome de l’intestin irritable (ou colopathie fonctionnelle), une maladie chronique comme le diabète, plus rarement certaines tumeurs qui touchent le système digestif (tumeur carcinoïde). Néanmoins, une accélération du transit peut aussi être liée à l’utilisation de médicaments (par exemple, des antiacides) et de laxatifs.
Un syndrome de malabsorption provoque l’altération de la paroi intestinale. Dans ce cas, le tube digestif ne parvient plus à digérer ni à absorber correctement les nutriments apportés par l’alimentation. Les selles sont alors graisseuses et très abondantes (stéatorrhée). Ce syndrome est caractéristique de la maladie cœliaque (intolérance au gluten) liée à une atrophie de la muqueuse intestinale.
Une inflammation au niveau du côlon ou du rectum stimule la sécrétion de protéines, de mucus, parfois de sang par les muqueuses, ce qui peut engendrer une diarrhée chronique. On l’observe notamment dans certaines maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) comme la rectocolite hémorragique (inflammation chronique de la paroi interne de l’intestin) ou la maladie de Crohn, qui peut toucher plusieurs parties du tube digestif jusqu’à l’anus et qui est favorisée par des prédispositions génétiques. De façon plus rare, l’inflammation a une origine cancéreuse lorsqu’une tumeur s’installe dans la paroi intestinale, le colon ou le rectum.
Une origine infectieuse ou parasitaire provoquée par certaines bactéries (salmonelles, shigelles, clostridium difficile etc.) ou d’autres parasites de l’intestin comme Giardia intestinalis qui est une cause de la lambliase, une maladie fréquente du voyageur. Tous ces pathogènes engendrent une inflammation de l’intestin ou du côlon.
Une origine hormonale. «Les hormones jouent un rôle essentiel dans la régulation du système digestif, et des perturbations hormonales peuvent entraîner des troubles gastro-intestinaux, y compris une diarrhée persistante», souligne le Dr William Berrebi. Dans ce cas, plusieurs pathologies sont en cause. Par exemple, l’hyperthyroïdie se caractérise par un excès d’hormones thyroïdiennes (la thyroxine et la triiodothyronine), susceptible d’accélérer le transit intestinal. Des troubles de sécrétions hormonales sont aussi observés dans certaines tumeurs très rares de l’intestin, du pancréas ou encore de la thyroïde. C’est par exemple le cas de certaines tumeurs carcinoïdes ou du syndrome de Zollinger, une affection d’origine tumorale (pancréas ou intestin grêle) qui se caractérise par la présence d’ulcères gastriques.
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Le diagnostic peut nécessiter plusieurs examens biologiques en raison des causes très diverses de diarrhée chronique. Dans un premier temps, le médecin procède par un interrogatoire auprès du patient afin d’identifier les symptômes et leur fréquence. Il s’agira alors de décrire les selles, leur couleur, leur texture et leur abondance ainsi que tous les symptômes associés. D’autres questions cibleront également le mode de vie afin de savoir, par exemple, si ces diarrhées coïncident avec un changement dans l’alimentation ou la prise de médicaments. Suit un examen physique, qui implique palpation et percussion de l’abdomen.
La présence de sang dans les selles et l’impression d’avoir envie d’aller à la selle («faux besoins») orienteront directement le médecin vers la recherche d’une cause inflammatoire. Dans ce cas, une prise de sang permettra dans un premier temps de rechercher les marqueurs de l’inflammation. «On détectera notamment une élévation anormale de la production des cellules du sang, c’est-à-dire globules blancs, plaquettes ainsi que la protéine C-réactive (CRP) en réponse à l’inflammation. Cela peut être le signe d’une rectocolite hémorragique ou d’une maladie de Crohn», précise William Berrebi. En complément, il réalisera un dosage du taux de calprotectine fécale (un marqueur de l’inflammation intestinale), une coloscopie (une caméra introduite par l’anus pour observer la paroi de l’intestin) et des biopsies (prélèvement de petits fragments de muqueuse ) pour confirmer le diagnostic.
La prise de sang permet également le diagnostic d’une hyperthyroïdie (augmentation du taux d’hormones thyroïdiennes), d’une maladie cœliaque (augmentation de la production des anticorps anti-transglutaminase) ou encore d’une cause infectieuse (production accrue des globules blancs par le système immunitaire en réponse à l’agent infectieux). Dans ce dernier cas, le gastro-entérologue, réalisera systématiquement une coproculture (recherche de bactéries dans les selles) des examens parasitologiques des selles.
Dans certains cas, le médecin pourra prescrire une échographie abdominale à la recherche de lésions hépatiques ou pancréatiques. Enfin toute suspicion de tumeur nécessitera une coloscopie totale ainsi que des biopsies. Si ce diagnostic est confirmé, d’autres examens seront indiqués (scanner abdominopelvien).
Lors de l’examen médical, le diagnostic d’une «fausse diarrhée» devra être écarté. Cette variante qui se caractérise également par des selles liquides et des douleurs abdominales peut en réalité résulter d’une constipation. Elle se traduit par alternance entre des selles dures et liquides. «Typiquement, si le patient n’est pas allé à la selle pendant plusieurs jours et qu’au moment où il défèque, ne sort que de “l’eau”, c’est le signe d’une fausse diarrhée. Cela peut signifier que les matières fécales sont coincées dans le rectum, mais que le liquide a besoin d’être excrété», indique le Dr William Berrebi. Un toucher rectal pourra alors être réalisé afin de rechercher un éventuel fécalome, un bouchon au niveau du rectum qui finit par libérer son eau. Ils sont notamment une cause classique de fausse diarrhée chez la personne âgée.
Tout dépend de la cause identifiée par le médecin. «L’approche symptomatique dans le cas de diarrhée chronique est vouée à l’échec car la plupart du temps il faut prendre le problème à sa racine. Et ce problème est plus ou moins grave, d’où l’importance de consulter», insiste le Dr William Berrebi.
Si la cause est liée à l’alimentation, le médecin pourra vous conseiller d’adapter votre régime, par exemple en supprimant le gluten ou le lactose dans le cas d’une intolérance.
Si l’origine est médicamenteuse, il faudra envisager les traitements alternatifs avec son médecin.
Si l’origine est infectieuse ou parasitaire, elle sera traitée à l’aide d’antibiotiques ou d’antiparasitaires.
En cas de maladies inflammatoires chroniques, un traitement spécifique sera mis en œuvre.
Si les examens confirment la présence d’une tumeur, les traitements classiques peuvent inclure radiothérapie, chimiothérapie et chirurgie sous la supervision d’un oncologue.