Une personne sur 5000 – et à la clé, peut-être, de gros problèmes artériels. Le syndrome de Marfan concerne environ 13.000 personnes en France. Il s’agit d’une maladie résultant d’une mutation dans le gène FBN1 situé sur le chromosome 15. Elle est donc transmissible à la descendance via un mode de transmission dit «autosomique dominant»: autosomique, car la mutation est située sur un chromosome autosomique, c’est-à-dire non sexuel (X ou Y). Dominant, car une mutation sur l’une des deux copies du gène suffit à déclencher la maladie.
Le gène FBN1 code une protéine appelée «fibrilline 1». Cette dernière permet l’organisation des fibres d’élastine constituant la matrice extracellulaire du tissu conjonctif, dont le rôle est d’assurer le soutien des organes. Le tissu conjonctif est présent partout dans le corps, et cela explique que cette maladie entraîne une grande diversité de manifestations et peut affecter le cœur, les yeux, le squelette ou la peau.
Les signes cliniques ne sont pas les mêmes chez toutes les personnes, même au sein d’une même famille. Le danger principal du syndrome de Marfan est qu’il peut abîmer l’aorte, artère principale de l’organisme qui transporte le sang depuis le cœur vers tous les territoires du corps. Du fait de la plus grande élasticité des tissus chez les malades, l’artère va avoir tendance à se dilater, ce qui peut provoquer, à terme, une dissection aortique: une déchirure partielle de la paroi de l’aorte.
Le Pr Guillaume Jondeau est cardiologue à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard et coordonnateur responsable du Centre de référence du syndrome de Marfan et maladies apparentées. Il dresse un bilan optimiste: «Depuis les années 1970, on a fait énormément de progrès, la première cause de décès, c’est la dissection aortique, et la première cause de dissection, c’est l’absence de diagnostic. Aujourd’hui, on détecte mieux, on suit mieux, on opère à temps. On donne des bêtabloquants aux patients, on leur évite les efforts brutaux et violents qui font monter la tension et favorisent la dissection. Grâce à ça, on a gagné beaucoup d’espérance de vie. En effet, dans les années 1970, il y avait encore 50 % de décès à l’âge de 40 ans, alors qu’aujourd’hui, les patients vivent aussi longtemps que la population générale.»
Il n’existe pas encore de traitement pour la maladie, mais les progrès sont réels. Il est possible de bien mesurer le risque grâce à l’échocardiographie et au scanner. Le but premier est de ralentir la dilatation de l’aorte en maintenant une pression artérielle normale grâce à des bêtabloquants qui ralentissent le cœur. Si la dilatation est trop importante, une chirurgie peut être effectuée. Le principe de toutes les interventions est de remplacer la partie initiale de l’aorte, qui est la zone la plus fragile. Ce type d’opération est effectuée environ une fois tous les quinze jours au Centre de référence du syndrome de Marfan, et le Pr Jondeau se félicite d’un taux de succès de 100 % lors des 35 dernières chirurgies.
La recherche continue de progresser sur les maladies apparentées au syndrome de Marfan, et ce n’est plus aujourd’hui un seul gène qui est étudié, mais un panel de 38 gènes responsables de maladies génétiques du tissu conjonctif. Ces connaissances plus fines pourront aider à mieux prendre en charge les patients. C’est pourquoi le Pr Jondeau appelle toutes les personnes ayant un anévrisme de l’aorte ou des signes évocateurs de Marfan à aller consulter dans un centre de référence ou de compétence.