Vous avez récemment pris rendez-vous chez votre gynécologue ou votre sage-femme pour réaliser un test de dépistage des papillomavirus (HPV) par frottis, comme le recommandent les autorités sanitaires tous les 5 ans. Et quelques jours plus tard, le résultat tombe: vous êtes positive. Autrement dit, les cellules de votre col utérin hébergent un ou plusieurs papillomavirus dits «à haut risque» cancérogène. Une annonce à première vue très inquiétante, quand on sait que ces virus sont responsables de la quasi-totalité des cas de cancer du col de l’utérus (3159 nouvelles femmes concernées en 2023 en France). Il n’y a pourtant pas de raison de paniquer. Le Figaro fait le point avec le Dr Jean-Luc Mergui, chirurgien gynécologue spécialisé en prévention des cancers du col et en infections par les papillomavirus.
Attention à ne pas faire de raccourci. Un test HPV positif signifie juste la présence d’un papillomavirus à haut risque. «Cela ne veut pas dire qu’il y a une lésion cancéreuse, mais simplement qu’il y a peut-être un risque, à terme, de développer une lésion», précise le Dr Jean-Luc Mergui. En effet, la présence du virus n’entraîne pas automatiquement de lésions cancéreuses. «Seules 7% des patientes positives aux HPV ont des lésions au niveau du col de l’utérus. Et parmi elles, seules 10% ont des lésions de haut grade (un début de cancer, NDLR). Autrement dit, seules 1% des femmes infectées par un papillomavirus ont une lésion précancéreuse et risquent de développer un cancer par la suite», rassure le spécialiste.
Par ailleurs, il faut au moins cinq ans pour qu’un HPV à haut risque entraîne des mutations au niveau des cellules. Quant au cancer, il n’apparaît que dix à vingt ans après l’infection par un virus HPV persistant. Il suffit de surveiller régulièrement par frottis la présence du virus. S’il persiste, une colposcopie (examen du col de l’utérus et du vagin par une loupe fixée sur un spéculum, ndlr) permettra de surveiller l’évolution d’éventuelles lésions précancéreuses afin de prévenir l’apparition d’un cancer. Détail à connaître: un test HPV négatif ne protège pas pour toute la vie. On peut se faire réinfecter ou réactiver un HPV qui était silencieux. Par ailleurs «le test peut très bien être négatif alors qu’il y a du virus, mais il n’est simplement pas en quantité suffisante pour être détecté ni pour entraîner une éventuelle lésion», souligne le Dr Mergui. D’où l’intérêt de le refaire tous les 5 ans.
L’infection par papillomavirus est extrêmement répandue et quasiment inévitable à partir du moment où débute la vie sexuelle. «On estime que 80% des femmes sont contaminées par un HPV dans les cinq premières années de leur vie sexuelle», renseigne le Dr Mergui. Idem pour les hommes. Autre chiffre : chaque année, environ 17% de la population contracte l’un ou l’autre de ces virus. La bonne nouvelle est que chez 9 personnes sur 10, il est spontanément éliminé par le système immunitaire dans les deux ans, sans aucune conséquence sur la santé. Dans l’immense majorité des cas, les HPV n’entraînent donc aucun symptôme et passent totalement inaperçus.
En revanche, quand le système immunitaire ne parvient pas à détruire le virus, celui-ci s’installe de manière chronique. C’est là que les problèmes peuvent éventuellement commencer. «C’est quand le virus persiste que des lésions peuvent se développer. Au bout de onze ans, entre 20 et 30% des femmes infectées auront une lésion de haut grade au niveau du col de l’utérus», indique le Dr Jean-Luc Mergui. Une minorité de personnes n’arriveront jamais à se débarrasser du virus. «Avec l’âge, l’immunité diminue et il arrive que le virus se manifeste à nouveau parfois quarante à cinquante ans après la première contamination», rapporte le gynécologue. C’est pour cette raison que le test de dépistage aux HPV est recommandé jusqu’à 65 ans.
«À l’heure actuelle, il n’y a pas de traitement connu contre cette infection», rappelle d’emblée le médecin. Les traitements chirurgicaux, comme la conisation (ablation d’une partie du col de l’utérus), ne sont pas indiqués en cas de frottis positif aux HPV. «La conisation n’est utilisée que pour supprimer des lésions de haut grade, cela concerne environ 30.000 femmes chaque année en France», indique le Dr Mergui. Mais cela ne supprime pas obligatoirement le virus. Quant au vaccin anti HPV, il ne sert à rien si l’infection a déjà eu lieu. Il permet seulement de renforcer les défenses immunitaires en vue d’une première rencontre avec le virus. C’est d’ailleurs pourquoi il doit être fait avant le démarrage de la vie sexuelle, chez les filles comme chez les garçons. Chez les adultes, «la seule solution que l’on peut proposer est une surveillance régulière», note le médecin.
Un test HPV positif n’est pas synonyme d’infidélité ! D’abord parce qu’il ne permet pas de dater l’infection. La contamination peut certes être récente, mais il peut aussi s’agir d’une infection ancienne, contractée avec un autre partenaire. Il est tout à fait possible qu’une infection par papillomavirus ne devienne détectable que plusieurs années après l’infection. Il se peut aussi que ce soit votre compagnon actuel lui-même qui vous ait transmis le virus. «Ces virus sont assez contagieux, ils se transmettent au cours des rapports sexuels, y compris par attouchements digitaux. Le préservatif n’est donc pas un gage de protection», souligne le Dr Mergui.
À noter que la vaccination des jeunes garçons permet de les immuniser contre une future infection par la plupart des papillomavirus oncogènes, ce qui protégera indirectement leurs futures partenaires. Mais les papillomavirus sont aussi une affaire qui concerne directement les hommes, même s’ils sont moins sévèrement touchés que les femmes. Environ 1700 cancers (bouche, gorge, anus, pénis) se déclarent chaque année en France chez des hommes en raison d’une infection à HPV.
Il n’y a pas de traitement radical et définitif contre l’infection à HPV mais il y a un facteur sur lequel il est possible d’agir: le tabagisme. «En perturbant l’immunité locale et en entraînant l’excrétion de toxines au niveau de la glaire cervicale, le tabagisme augmente le risque d’infection persistante à HPV et participe au risque de lésions précancéreuses», explique le Dr Julia Maruani, gynécologue aux Hôpitaux Universitaires de Marseille. «Fumer diminue de 50% les chances d’éliminer le virus. On cumule les problèmes, ce qui va mener à des lésions», poursuit-elle. Ce risque serait même proportionnel à la durée de tabagisme et à la quantité fumée. «Arrêter de fumer est une bonne option pour diminuer la charge virale», souligne le Dr Mergui.