Réduire le nombre de grossesses à risque en informant au mieux les mères comme les médecins: l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dévoile mercredi 29 novembre un nouveau panorama des risques liés à la consommation d’antiépileptiques.

«Quatre ans après un premier rapport, le panorama des antiépileptiques et des risques pour le fœtus a été modifié par de nouvelles données depuis 2019. De nouveaux risques, auparavant suspectés ou inconnus, sont identifiés pour des médicaments, qui avaient parfois d’autres risques connus», explique à l’AFP Philippe Vella, directeur médical de l’ANSM.

L’objectif est de classer les antiépileptiques selon le niveau de risque pour le fœtus, et d’informer au mieux les médecins prescripteurs ainsi que les patientes. Le valproate (Depakine et génériques, Micropakine, Depakote et son générique Divalcote, Depamide) reste «le plus à risque» en cas de prise lors de la grossesse. Cet antiépileptique «entraîne le plus de malformations chez l’enfant, avec un risque multiplié par 4 à 5 (11%) par rapport au risque sans traitement», et «comporte un risque élevé de troubles neuro-développementaux (30 à 40% des enfants exposés in utero)», a détaillé l’agence.

Et, désormais, sa prise par le père, dans les trois mois avant la conception, est aussi soupçonnée d’être à risque neuro-développemental pour le fœtus, rappelle l’ANSM. Dans l’attente des conclusions d’une évaluation européenne, elle en a déjà informé médecins et patients. L’un des changements majeurs acté par l’agence du médicament concerne le topiramate, vendu sous la marque Epitomax par le laboratoire Janssen mais aussi comme générique par d’autres fabricants et source d’inquiétudes croissantes depuis plus d’un an.

Si le risque de malformations majeures (bec-de-lièvre, mauvais placement de l’urètre sur le pénis, poids de naissance très faible…) était «connu» pour ce médicament, le risque de troubles neurodéveloppementaux est «confirmé», selon le rapport. Ce risque est augmenté de deux à trois fois par rapport aux enfants nés de mères épileptiques sans traitement.

Selon une étude, menée à partir des données de santé de plusieurs millions de femmes scandinaves et publiée fin mai 2022, le risque de déficience intellectuelle est plus que triplé chez les enfants dont la mère a pris du topiramate durant sa grossesse et le risque de troubles de l’autisme multiplié quasiment par trois.

Dans son sillage, l’ANSM avait demandé à son homologue européenne, l’Agence européenne du médicament (EMA), de réévaluer les conditions de prescription du topiramate et avait, entre autres, appelé à n’utiliser cet antiépileptique chez la femme enceinte qu’«en cas de nécessité absolue». Autre changement dans le panorama dressé par l’ANSM: la prégabaline (Lyrica et génériques) présente un risque «confirmé» de malformation majeure chez l’enfant -multiplié par près d’1,5-, seulement «suspecté» en 2019.

Avec la carbamazépine (Tegretol et génériques), dont le risque de malformation majeure était «connu» (multiplié par 2 à 3), il y a aussi «une augmentation possible» du risque de troubles neurodéveloppementaux. Sur la vingtaine d’antiépileptiques passés en revue, les risques des autres traitements ne sont pas modifiés par rapport à 2019, à ce stade des connaissances.

Ces dernières années, l’ANSM a durci sa politique envers des antiépileptiques jugés à risque pendant la grossesse. L’implication de plusieurs de ces médicaments dans des troubles du fœtus a été avérée, notamment pour le valproate de sodium, soit la Depakine de Sanofi, au coeur d’un scandale alimentant plusieurs procédures judiciaires.

Mais chez certaines femmes, seuls ces traitements se révèlent efficaces contre l’épilepsie. À charge, donc, aux seuls médecins d’évaluer si les risques représentés par les crises sont suffisamment élevés pour compenser ceux que le traitement fait courir à l’enfant à naître.

L’ANSM met cependant à disposition des patientes une fiche d’information résumant les risques connus des antiépileptiques pour le futur enfant et donnant divers conseils, notamment sur les modes de contraception à adapter – certains antiépileptiques peuvent diminuer l’efficacité de la pilule.