La citoyenne et journaliste chinoise Zhang Zhan a été libérée de prison ce lundi 13 mai après quatre ans d’incarcération pour avoir documenté la gestion du Covid-19 par le gouvernement chinois.

À son arrivée à Wuhan en février 2020, l’ancienne avocate à Shanghaï et journaliste est l’une des rares reporters indépendantes de la ville et s’intéresse de près à la crise sanitaire en cours, relate le Guardian . Alors que la Chine entame un sévère confinement, Zhan partage ses informations sur X (encore Twitter à l’époque) et sur YouTube et WeChat. D’une vidéo à l’autre, elle rend compte de la réalité des événements en cours, diffuse des images de la situation des hôpitaux, dénonce les privations de liberté et la censure.

«Je ne trouve rien à dire, si ce n’est que la ville est paralysée parce que tout est couvert», raconte-t-elle dans l’une d’elles au mois de février 2020. «Ils nous emprisonnent au nom de la prévention de la pandémie et restreignent notre liberté. Nous ne devons pas parler aux étrangers, c’est dangereux». Une censure qui, selon elle, isole la Chine du reste du monde. «Si nous n’avons pas accès à la vérité, si nous ne pouvons pas briser le monopole de la vérité, le monde ne signifie rien pour nous», s’alarme-t-elle.

Dans une autre vidéo, elle montre un hôpital dont les patients s’entassent jusque dans le hall sur des lits roulants. Des images des plus compromettantes pour le gouvernement chinois qui ne tarde pas à l’arrêter au mois de mai. Lors de son procès le 28 décembre, elle est condamnée à 4 ans de prison pour diffusion de fausses informations et «provocation de querelles et de troubles», une accusation régulièrement utilisée à l’encontre des dissidents, activistes et journalistes, d’après le quotidien britannique. Le lendemain, l’Union européenne demande à la Chine sa libération immédiate.

Lorsqu’il rend visite à sa cliente en prison pendant l’hiver 2020, c’est une femme très amaigrie que Zhang Keke, avocat de Zhang Zhan, retrouve. Malgré une sonde dans le nez pour l’obliger à s’alimenter et ses mains liées pour ne pas pouvoir retirer le tube, la citoyenne chinoise a perdu 34 kilos. En cause, ses multiples grèves de la faim initiées pour protester contre son incarcération et le traitement qu’elle subit. Le jour de son procès, elle se déplace en fauteuil roulant et fait face à un traitement que l’avocat décrit comme «particulièrement brutal». «Le juge lui a reproché de s’être rendue à Wuhan pour effectuer des interviews et des enquêtes, mais en réalité, explique l’avocat, ce qu’il n’a pas apprécié est qu’elle ait collecté ces données, qu’elle les ai mises sur Twitter…et qu’elle ait pris part à des interviews avec des médias soi-disant ennemis». Parmi les médias en question figure la Radio Free Asia financée par le gouvernement des États-Unis.

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À l’heure désormais de sa libération, les soutiens en faveur de Zhang Zhan se multiplient, provenant principalement de membres d’ONG. Maya Wang, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch, se réjouit de la libération de la journaliste mais souligne le fait qu’elle «n’aurait pas dû être emprisonnée en premier lieu» et que le gouvernement chinois doit encore «rendre des comptes pour avoir dissimulé la percée de l’épidémie de Covid-19 et pour les abus associés à ses restrictions draconiennes pendant la pandémie». Sarah Brooks, directrice du programme Chine d’Amnesty International, enjoint quant à elle aux autorités chinoises de «veiller à ce que Zhang Zhan soit totalement libre à partir du 13 mai» et de faire en sorte qu’«elle et sa famille ne doivent pas faire l’objet de surveillance ou de harcèlement, (…) ni de restrictions à son accès aux traitements médicaux après l’épreuve traumatisante qu’elle a subie en prison».

Le risque demeure que Zhan ne retrouve pas entièrement sa liberté. D’après l’un de ses anciens avocats, deux issues sont possibles, l’une étant qu’elle puisse rentrer chez elle, l’autre qu’elle soit envoyée pour une durée d’un à trois mois dans une prison plus «souple». Habitué à défendre des individus dits sensibles, il anticipe une «période pendant laquelle elle ne sera pas autorisée à avoir de contact avec le monde extérieur ni autorisée à se déplacer ailleurs».