Le timing a de quoi faire sourire. Du 9 au 10 avril, une frégate française a traversé le détroit de Taïwan au beau milieu d’exercices d’encerclement menés par la Chine autour de Taïwan, selon une information de Challenges , confirmée au Figaro par une source bien informée. Du 9 au 10 avril, la frégate de surveillance Prairial a ainsi navigué dans ce corridor maritime, au lendemain d’une visite d’État de trois jours d’Emmanuel Macron en Chine.
Les manœuvres chinoises, qui visaient à intimider Taïwan, se sont conclues lundi 10 avril «avec succès», a indiqué Pékin. La présence du navire tricolore dans ce secteur «démontre clairement notre engagement pour un Indo-Pacifique ouvert, sans provocation, sans escalade, avec respect et avec clarté», a indiqué Emmanuel Macron le 12 avril, lors d’une visite d’État aux Pays-Bas.
Ces propos du président visaient notamment à clarifier l’entretien donné au site américain Politico et au quotidien Les Échos, publié à son retour en France, qui avaient provoqué un tollé chez nos alliés européens et américain. Le chef d’État y revendiquait une «autonomie stratégique» de l’Union européenne sur la question de Taïwan et exhortait les Vingt-Sept à ne pas «être suivistes» de Washington et de Pékin. «Emmanuel Macron a sous-entendu qu’on n’avait pas intérêt à défendre dans la région, alors qu’on a toujours démontré qu’on y était présent», explique un fin connaisseur de la Chine, qui pointe dans les propos du président une «contradiction avec la doctrine française».
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La présence de la frégate Prairial dans le détroit de Taïwan en est l’exemple le plus éclatant. Son passage dans le secteur ne constitue d’ailleurs pas un événement extraordinaire. Le Prairial, tout comme le Vendémiaire de la même classe, patrouille régulièrement dans la zone.
La mission de diplomatie navale et de formation Jeanne d’Arc passe également souvent dans la région. Le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Dixmude, accompagné de la frégate La Fayette, sont d’ailleurs partis de Toulon le 8 février pour un tour du monde qui les verra croiser en mer de Chine méridionale. En 2021, le sous-marin nucléaire d’attaque Émeraude y avait également été déployé.
La présence militaire mais non-agressive de ces bâtiments de grande importance «démontre ce que la France est capable de faire, et qu’elle peut notamment se déployer très vite», souligne notre interlocuteur. Le 8 avril dernier, la frégate multi-missions Lorraine est également partie vers le Japon, pour un déploiement de qualification, afin d’être admise au service actif. Tous ces déploiements démontrent que la France a de réels intérêts dans la région, et qu’elle compte manifester sa présence.
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En naviguant dans le détroit de Taïwan, la marine française affirme également pleinement sa liberté d’action. Car de nombreux navires militaires évitent soigneusement la zone, de peur d’irriter la Chine. La zone est pourtant une voie navigable internationale. Mais en juin 2022, le ministère chinois des Affaires étrangères avait estimé que la Chine avait «la souveraineté, les droits souverains et la juridiction sur le détroit de Taïwan».
Avant de traverser le détroit de Taïwan, la frégate Prairial a en tout cas fait escale au port de Haiphong, au Vietnam, du 2 au 6 avril, où elle a mené un exercice «PASSEX» avec la marine vietnamienne. Si l’objectif de la frégate n’est pas connu, il pourrait s’agir d’un entraînement commun avec le Japon, où d’une mission visant à faire respecter l’embargo international sur les armes en Corée du Nord.