Plus de 30 ans après la fin de la guerre civile qui a ensanglanté le Liban, la paix ne tient qu’à un fil. Ce lundi, le chef du Hezbollah libanais s’est montré menaçant : «On a franchi une étape très très très dangereuse», a déclaré Hassan Nasrallah s’adressant à «tous les Libanais» et «surtout aux chrétiens».

Dimanche, un responsable du parti chrétien des Forces Libanaises (FL) a été tué, son corps a été retrouvé en Syrie. L’affaire a provoqué un vif émoi au Liban où le puissant parti chrétien a dénoncé «un assassinat politique jusqu’à preuve du contraire» sans citer explicitement le Hezbollah, tandis que le parti chrétien des Phalanges libanaises évoque sur ses réseaux sociaux le «martyr» du cadre des Forces Libanaises qui a été tué, Pascal Sleiman.

Lundi soir, des routes ont été bloquées aux alentours de Byblos, ville où le responsable politique était en poste. Ce qui a provoqué la réaction du leader du parti chiite Hassan Nasrallah qui a accusé le parti chrétien des Forces Libanaises ainsi que celui des Phalanges libanaises d’être des «semeurs de discorde» et de «rechercher la guerre civile». Hassan Nasrallah a aussi démenti dans son discours tout lien avec l’assassinat de Pascal Sleiman.

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Selon les premiers résultats de l’enquête communiquée par l’armée libanaise, ce responsable des Forces Libanaises à Byblos a été tué par des membres d’un «gang» qui tentaient de «voler sa voiture». Sept Syriens ont notamment été arrêtés dont trois remis par les autorités syriennes aux services de sécurité libanais. Une source judiciaire a affirmé auprès de l’AFP que «les aveux ont condordé sur le fait que le mobile unique du crime était le vol».

Selon cette source, les suspects «ont avoué avoir frappé la victime au visage et à la tête avec la crosse de leurs revolvers pour qu’il arrête de résister, puis l’ont placé dans le coffre de la voiture» et emmené en Syrie où ils ont découvert qu’il est décédé. Une source militaire a indiqué que le corps avait été retrouvé en Syrie, et que les malfaiteurs faisaient partie d’un gang spécialisé dans le vol de voitures au Liban. La dépouille a été rapatriée ce matin par le poste-frontière de Qaa dans le nord du pays.

«Je ne crois pas aux versions [jusqu’à présent] avancées. [Les assaillants présumés] n’ont pas demandé de rançon. Ils ont pris mon époux… mais pas la voiture : comment cela peut-il donc être un vol de voiture ?», a toutefois opposé Micheline Sleiman à L’Orient-Le Jour, la veuve du cadre FL assassiné, relayant les doutes émis au sein des Forces Libanaises.

«Je n’ai confiance en personne, ni dans les services de sécurité, ni dans les ministres de la tutelle», a ainsi affirmé sur X Pierre Bou Assi, député du parti chrétien justifiant sa déclaration en évoquant plusieurs enquêtes inabouties notamment autour du meurtre d’un ancien responsable du même parti dans le sud du Liban en août 2023.

Historiquement opposé aux Forces Libanaises, le Courant Patriotique Libre (CPL), parti chrétien plus conciliant avec le Hezbollah, a de son côté appelé «ne pas céder à la sédition», comme le rapporte aussi L’Orient-Le Jour. «L’implication de Syriens dans ce crime met en évidence les dangers liés à l’immigration massive», a aussi déclaré le mouvement. Le Liban accueille quelque deux millions de Syriens, des réfugiés ayant fui la guerre civile déclenchée dans leur pays en 2011.

Le premier ministre Najib Mikati, a condamné quant à lui le meurtre et appelé les Libanais à «faire preuve de sagesse et ne pas se laisser entraîner par les rumeurs et les émotions».

«La meilleure façon d’honorer sa mémoire est de rejeter la guerre civile et de construire un nouveau Liban où l’État de droit, un système judiciaire indépendant et des institutions étatiques fortes ne laisseront aucun crime impuni», a commenté de son côté sur X Karim Emile Bitar, politologue et chercheur à l’Université Saint Joseph de Beyrouth.