Une nouvelle condamnation attend ce vendredi Alexeï Navalny. Le principal opposant au Kremlin, qui purge déjà une peine de 9 ans, a de nouveau comparu le 19 juin pour «extrémisme». Cette affaire – la sixième depuis 2014 – concerne son Fonds anti-corruption (FBK), par lequel le combatif activiste politique avait mené des enquêtes sur la corruption du système de Vladimir Poutine. Taxé d’«organisation extrémiste», ce fonds a été liquidé en 2021.

Pour ce crime, le parquet a requis 20 ans de réclusion. Dans un message diffusé par ses proches, l’opposant de 47 ans a déclaré jeudi s’attendre à une «peine longue, stalinienne». «La formule pour la calculer est simple: ce que le procureur a demandé, moins 10-15%. Ils ont demandé 20 ans, ils donneront 18 ou quelque chose comme ça», a-t-il déclaré dans un message diffusé sur internet par ses proches.

L’opposant accumule les condamnations. Début 2021, il avait été emprisonné dès son retour en Russie, après avoir survécu in extremis à un empoisonnement qu’il impute aux services de sécurité russes agissant sur ordre du maître du Kremlin. Condamné en juin 2022 dans une affaire de fraude qu’il qualifie de vengeance politique, le militant écope déjà de 9 ans de prison. En tout, il a été envoyé 17 fois en cellule disciplinaire, où on l’oblige à écouter des discours de Vladimir Poutine.

C’est dans une de ces cellules qu’il attend son verdict, puni par 13 jours d’isolement pour s’être «mal présenté» à ses gardiens, a expliqué son avocat Vadim Kobzev sur Twitter, rebaptisé X.

Ce dernier procès s’est déroulé à huis clos, dans la colonie pénitentiaire IK-6 de Melekhovo, à 250 kilomètres à l’est de Moscou, où Alexeï Navalny est incarcéré. L’activiste anti-corruption a comparu en vertu de sept articles du code pénal, notamment «organisation d’une communauté extrémiste», «financement d’activités extrémistes» et «réhabilitation du nazisme» – une possible référence à ses déclarations en faveur de l’Ukraine. Au total, 196 volumes de 3828 pages, auxquels la défense n’a eu accès que dix jours avant le procès.

Durant l’audience, Alexeï Navalny a de nouveau brocardé la guerre en Ukraine, évoquant des «dizaines de milliers de morts dans la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle». «Tôt ou tard (la Russie) se relèvera. Et il dépend de nous de savoir sur quoi elle s’appuiera à l’avenir».

Après le verdict attendu vendredi soir, ses conditions de détention pourraient toutefois encore s’aggraver. En effet, l’accusation réclame son transfert dans une colonie pénitentiaire de «régime spécial», les prisons à la plus sinistre réputation en Russie, réservées d’ordinaire aux criminels les plus dangereux et aux condamnés à perpétuité.

Le marathon judiciaire d’Alexeï Navalny risque en outre de ne pas s’arrêter là. Il dit être également poursuivi pour une affaire de «terrorisme» dans une autre procédure, dont peu de détails sont connus à ce stade mais pour laquelle il risque la prison à vie. Le jour de son anniversaire, début juin, Alexeï Navalny écrivait : «Il est clair que j’aimerais ne pas me réveiller dans ce trou, mais avoir un petit-déjeuner en famille, un bisou sur la joue de mes enfants, ouvrir mes cadeaux et dire “Waouh, c’est exactement ce dont je rêvais”». Mais, ajoutait-il un «avenir meilleur» n’est possible «que si un certain nombre de personnes sont prêtes à payer pour le droit d’avoir des convictions».