De notre correspondant à Moscou
Présence visible des forces de l’ordre, aux carrefours et dans le métro de Moscou, points sensibles ceinturés et bâtiments officiels protégés par des cordons de sécurité…, comme le chantait naguère Gilbert Bécaud, la «place Rouge était vide», ce samedi matin, rendue inaccessible aux visiteurs qui s’y pressent habituellement le week-end.
Si la capitale russe n’a rien dans son allure d’une ville en état de siège, certaines «mesures antiterroristes» annoncées tôt le matin par le maire Sergueï Sobianine, à la suite de la rébellion du groupe paramilitaire Wagner, étaient néanmoins visibles. Le «régime d’opération antiterroriste» mis en place prévoit notamment une «interruption des communications, si nécessaire» et une «annulation des manifestations de masse», selon le communiqué de Sergueï Sobianine. Il affirme que «tous les services municipaux fonctionnent normalement» et remercie les Moscovites pour leur «calme» et leur «compréhension».
Contrairement à Rostov-le-Don, partiellement sous le contrôle des forces «rebelles» du groupe Wagner, les habitants de la capitale n’ont pas été officiellement appelés à «rester à la maison». «Calme», donc, parmi les voyageurs du métro absorbés par leur téléphone portable. Mais inquiétude palpable, tout de même, parmi des amis et des proches alors que ceux-ci, comme beaucoup de Moscovites vivaient pourtant jusqu’à présent comme si la guerre était lointaine. L’humour, comme il se doit, n’est pas absent, même en de telles circonstances : c’est le retour du Lac des Cygnes dont des extraits fleurissent sur Telegram. Lors du putsch d’août 1991, la télévision avait interrompu ses programmes pour diffuser le fameux ballet de Tchaïkovsky, devenu alors un symbole du black-out sur l’information.
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«Nous avons déjà vécu tout cela», soupire une Moscovite, sans cacher toutefois sa préoccupation face à ce nouveau «bond vers l’inconnu» qui menace le pays déjà engagé dans la guerre en Ukraine. La monnaie, elle, s’effondre. En ville, le rouble s’échangeait à samedi à 120 roubles pour un euro, contre 90, la veille. D’autres vidéos montrent des blindés stationnant le long de la route menant à l’aéroport de Vnoukovo, tandis qu’une colonne de camions de la police sur une avenue de Sokolniki, au nord de Moscou, fonce toutes sirènes hurlantes.
Significativement, avant même que Vladimir Poutine ne s’exprime à la télévision pour condamner «un coup de couteau dans le dos du peuple russe» – sans citer nommément Evguéni Prigojine et son groupe de mercenaires -, des affiches de recrutement du groupe Wagner ont été retirées des panneaux publicitaires, nombreux dans les quartiers périphériques de la capitale. L’effet, possiblement, de l’ouverture dans la nuit d’une «enquête pénale en lien avec la tentative d’organiser une mutinerie armée».
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Sur les réseaux sociaux, toujours, certains internautes distillent leurs conseils : «Limitez les déplacements et l’agitation. (…) Si vous avez l’intention de vous déplacer en ville, soyez particulièrement attentif : faites-le sans vêtements de camouflage, sans mallette ni sac à dos, bref, sans rien qui puisse attirer l’attention». Et ce mystérieux ange gardien, – @bitkogan-, de conclure sur Telegram : «Mes amis, l’évolution de la situation peut être très imprévisible. Cependant, “cela aussi passera”. Nous devons agir aujourd’hui pour ne pas avoir à rougir plus tard, d’abord vis-à-vis de nous-mêmes…»