Dans un communiqué publié sur son site Internet le 7 octobre, jour de l’attaque terroriste du Hamas en Israël, le Collectif Palestine Vaincra s’est réjoui sans détour de ces actes de barbarie au cours desquels 1400 personnes, en majorité des civils, ont été tuées. «En dépit de plus de 75 ans de colonisation, le peuple palestinien vit et résiste !» titre fièrement le collectif, dans un texte toujours en ligne plus de deux semaines après les événements, alors que des précisions sur la nature des atrocités commises ont été largement diffusées.
«D’une envergure sans précédent depuis des décennies, cette opération menée par les Brigades Al Qassam (la branche militaire du Hamas) depuis la bande de Gaza est une démonstration de force des capacités de la résistance et met à nu la faillibilité du projet sioniste», peut-on lire, sur un ton enthousiaste, dans ce communiqué. «Cette offensive réaffirme le rejet clair de la colonisation et l’occupation de la part du peuple palestinien. […] Cette attaque surprise […] est le fruit de 75 ans de colonisation et de nettoyage ethnique», ajoutent les activistes propalestiniens.
Un soutien zélé au Hamas qui n’a pas échappé au ministre de l’Intérieur, qui est bien décidé à dissoudre le Collectif Palestine Vaincra, malgré un premier revers devant le Conseil d’État l’an dernier. Gérald Darmanin a déjà annoncé le 14 octobre avoir porté les agissements commis par le collectif devant la justice : «J’ai pris la responsabilité d’adresser 11 article 40 [en référence à l’article du Code de procédure pénale qui permet aux autorités, officiers publics ou fonctionnaires de signaler au procureur de la République des délits dont ils ont connaissance] sur des associations faisant acte de propos antisémites, d’apologie du terrorisme ou de soutien au mouvement terroriste Hamas, parmi lesquels le Collectif Palestine Vaincra» avait-il déclaré en conférence de presse. «J’ai demandé aux services du ministère de l’Intérieur de travailler à la dissolution de collectifs relayant ou parfois finançant […] le Hamas ou les mouvements autour du Hamas», ajoutait-il.
Quelques jours plus tard, le 24 octobre, Gérald Darmanin précisait lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale qu’il espère toujours obtenir la dissolution du Collectif Palestine Vaincra. Celle-ci avait été prononcée par le président de la République, sur proposition du ministre de l’Intérieur, par un décret du 9 mars 2022. Mais, saisi d’un référé suspension, le Conseil d’État avait annulé ensuite cette dissolution le 28 avril 2022. Le même jour, le juge administratif était saisi de deux recours : celui du Collectif Palestine Vaincra et celui du Comité Action Palestine. Mais ce dernier avait déposé un référé liberté, offrant donc au Conseil d’État la possibilité de suspendre définitivement la procédure de dissolution. Le sort du Collectif Palestine Vaincra, lui, n’est pas encore scellé : le Conseil d’État doit encore se prononcer sur le fond, lors d’une audience dont Beauvau espère qu’elle aura lieu «dans les prochaines semaines», sans doute en fin d’année ou en début d’année prochaine.
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Déjà en 2022, le décret préparé par les services du ministère de l’Intérieur estimait que la dissolution du Collectif Palestine Vaincra était justifiée par le fait que celui-ci «appelle régulièrement à la discrimination et à la haine envers Israël et les Israéliens au travers de campagnes de boycott» ; et qu’en outre il «incite à la haine, à la discrimination et à la violence envers des personnes en raison de leur origine juive, cautionne les agissements d’organisations reconnues comme terroristes et y incite».
Les services de Beauvau s’appuyaient notamment sur des commentaires haineux publiés sous les publications du collectif sur les réseaux sociaux, et qui n’avaient pas été modérés ou supprimés par les responsables du collectif. Par exemple, au sujet d’Israël : «balancer leur des Iskanders [missiles balistiques] sur la gueule » ou encore « sa sera à notre tour de les crever c’est chiens » (sic).
Du reste le gouvernement considère le Collectif Palestine Vaincra comme un «groupement de fait», arguant que celui-ci possède une charte et un site internet, fonctionne en structure hiérarchisée, est doté d’un bureau, d’une dirigeante et d’un trésorier. L’audience devant le Conseil d’État a permis d’établir que le collectif réunit «une quinzaine de personnes établies à Toulouse» et «s’est donné pour objet d’apporter un soutien à la cause palestinienne».
Néanmoins les avocats du collectif, Me Lionel Crusoé et Me Cécile Brandely, ont obtenu du Conseil d’État une suspension de l’exécution du décret de dissolution : le juge des référés estime notamment dans sa décision que les appels au boycott d’Israël relèvent de la liberté d’expression, que les prises de position du Collectif Palestine Vaincra sur le Proche Orient ne sont pas de l’incitation au terrorisme, et que les commentaires publiés sur Facebook n’émanent pas de membres du collectif.
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Gérald Darmanin, lui, ne s’avoue donc pas vaincu et à Beauvau, on espère très fort que les nouvelles pièces à charge versées au dossier serviront cette fois à obtenir une fois pour toutes la dissolution du collectif, qui n’en finit plus de faire parler de lui depuis l’attaque du 7 octobre.
Quelle est exactement la place du Collectif Palestine Vaincra au sein de la nébuleuse parfois inextricable d’associations et de groupuscules composant la mosaïque de l’extrême gauche antisioniste ? Il est parfois difficile de le dire tant les liens entre chaque entité sont étroits, et les frontières, confuses. S’il a été créé officiellement à Toulouse en 2019, le Collectif Palestine Vaincra communique par exemple avec un compte Twitter créé en 2012, et une page Facebook «très active depuis 2015», relève le décret de dissolution.
Le Point avait notamment relevé qu’en 2021, le collectif avait levé 6000 € de dons au profit d’une association prétendument humanitaire, les Enfants du martyr, elle-même affiliée au Front populaire de libération de la Palestine, que l’Union européenne classe comme terroriste.
Sur son canal Telegram, le Collectif Palestine Vaincra multiplie depuis le 7 octobre les appels à manifester en soutien à Gaza : si la plupart de ces manifestations ne sont pas organisées par le collectif, il appelle néanmoins à les rejoindre et s’y associer. Certaines en revanche sont directement de son fait, comme la manifestation prévue mercredi 25 octobre à Toulouse, et finalement interdite par le préfet. Le collectif revendique sur Telegram avoir procédé, malgré l’échec de son recours, à des collages sauvages dans plusieurs quartiers de Toulouse pour apposer des affiches reprenant le logo du collectif. Sur l’une d’elles, on lit un appel à aider financièrement l’hôpital Al-Awda de Gaza, assorti d’un QR code. Les dons transitent par le réseau Samidoun, une ONG créée en 2011 pour aider les prisonniers palestiniens, et à laquelle est affilié le Collectif Palestine Vaincra.
Le réseau Samidoun, considéré par Israël comme terroriste, est depuis plusieurs années dans le viseur des autorités occidentales. Son coordinateur en Allemagne, Masar Badil, un Palestinien en exil, est menacé de voir son titre de séjour retiré en raison de son activisme au sein de Samidoun. En Belgique, la seule présence d’activistes de Samidoun, réputé proche des dirigeants du Hamas, dans des manifestations de soutien à la Palestine, a suffi pour dissuader des syndicats de gauche comme la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), pourtant ouvertement solidaire de la cause palestinienne, de participer au rassemblement.