Alexeï Navalny, le plus célèbre opposant à Vladimir Poutine est mort brutalement à l’âge de 47 ans, vendredi 16 janvier, dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique où il purgeait des peines qui totalisaient plus de trente ans d’emprisonnement. Il avait été condamné par le rouleau compresseur judiciaire russe pour fraude (2021) et pour «extrémisme». Des condamnations qu’il jugeait «politiques».
En août 2020, Alexeï Navalny avait été hospitalisé en urgence à Omsk, en Russie, avant d’être exfiltré en Allemagne pour être soigné. Le gouvernement affirmait avoir trouvé des traces de Novitchok, un poison utilisé par les services russes. En janvier 2021,l’opposant à Vladimir Poutine avait pris l’avion pour la Russie, où il avait été arrêté.
Depuis vingt-quatre ans qu’il dirige d’une main de fer la Russie, Vladimir Poutine a réduit à néant les voix dissidentes. Les derniers opposants médiatiques sont presque tous en prison ou exilés. Qui sont-ils ?
Reconnu coupable en avril 2023 de «haute trahison», de diffusion de «fausses informations» sur l’armée russe et de travail illégal pour une organisation «indésirable» en Russie, Vladimir Kara-Mourza, 42 ans, purge actuellement une peine de 25 ans de prison dans une colonie pénitentiaire en Sibérie. Il a récemment écrit avoir été placé à l’isolement pour au moins quatre mois. Ce père de trois enfants avait été arrêté au printemps 2022, après être retourné en Russie.
Vladimir Kara-Mourza affirme avoir été victime de deux tentatives d’empoisonnement, en 2015 et 2017, qu’il attribue au pouvoir russe. Il souffrirait de polyneuropathie et de pathologie neuromusculaire. En 2022, l’ancien journaliste a remporté le prix des droits de l’Homme Vaclav-Havel.
Vladimir Kara-Mourza a également la citoyenneté britannique. Avant d’être emprisonné, ce proche de l’ancien vice-premier ministre Boris Nemtsov, assassiné en 2015, était le vice-président de l’ONG Open Russia, fondée en 2001 par Mikhaïl Khodorkovski, ex-oligarque en exil et détracteur du Kremlin. Il a de même été vice-président du parti d’opposition libérale Parnas.
Pour avoir critiqué en direct sur YouTube l’offensive russe en Ukraine, Ilia Iachine a été condamné à huit ans et demi de prison en décembre 2022 – une peine inchangée lors du procès en appel, en avril 2023. En direct sur YouTube, Iachine avait dénoncé «le meurtre de civils» dans la ville ukrainienne de Boutcha, où l’armée russe a été accusée d’exactions. Des faits niés par le Kremlin.
L’opposant politique, âgé de 40 ans, était poursuivi sur la base de la «loi sur les fake news», qui punit d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans d’emprisonnement quiconque jette le «discrédit» ou publie de «fausses informations» sur l’armée.
Considéré par la Russie comme un «agent de l’étranger», Oleg Orlov, 70 ans, est jugé depuis vendredi 16 février pour avoir dénoncé à plusieurs reprises l’assaut contre l’Ukraine. Il encourt jusqu’à cinq ans de prison.
Le cofondateur de l’ONG russe Memorial, pilier de la défense de la lutte contre les répressions dans la Russie contemporaine et gardienne de la mémoire des victimes du Goulag, lauréate du prix Nobel de la Paix 2022 et dissoute par la justice russe en 2021, a refusé de témoigner durant son procès. Deux audiences ont été fixées, les 21 et 26 février.
En octobre 2023, Oleg Orlov avait été jugé coupable d’avoir «discrédité» l’armée. Il avait été condamné à une faible amende.
Cet ex-milliardaire âgé de 60 ans, un temps l’homme le plus riche du pays, qui a fait fortune dans le pétrole, avait été arrêté en octobre 2003 dans son jet privé, alors immobilisé sur le tarmac de l’aéroport de Novossibirsk, en Sibérie. Il était inculpé d’escroquerie à grande échelle, d’évasion fiscale ou encore de détournement de biens…. Il sera condamné à quatorze ans de réclusion, une peine qui sera réduite en appel. Sur décision de Vladimir Poutine, il sera libéré au bout de dix ans et partira se réfugier en Occident. Il vit aujourd’hui à Londres.
En 2015, la justice russe avait émis à son encontre un mandat d’arrêt international pour «organisation de meurtre et tentative de meurtre sur deux personnes et plus» – des faits remontant à 1998.
En 2001, il fonde Open Russia, une fondation à caractère humanitaire, qui finance la construction d’un lycée pour les orphelins de guerre, ainsi que le développement d’Internet dans les écoles.
Evgueni Roïzman, 61 ans, est un homme libre. Mais il a échappé de peu à la prison. En mars 2023, l’ex-maire (2013-2018) emblématique d’Iekaterinbourg, dans l’Oural, a été condamné à 14 jours de prison pour avoir partagé sur les réseaux sociaux une vidéo portant le logo de la Fondation anticorruption de l’opposant Alexeï Navalny, une organisation jugée «extrémiste».
En mai de la même année, il était jugé pour avoir «discrédité» l’armée russe dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube où il critiquait l’offensive en Ukraine. Verdict : une amende de 260.000 roubles – environ 3000 euros au taux de change de l’époque.
«On ne peut pas négocier avec un cancer. Comme un cancer, Poutine et ses élites doivent être coupés», déclarait, en 2015, lors d’une audition au Sénat américain l’opposant Garry Kasparov, cinq jours après l’assassinat de l’opposant Boris Nemtsov à Moscou.
Le sextuple champion du monde d’échecs est aujourd’hui âgé de 60 ans et vit en exil. Il est président de la Fondation des droits de l’Homme (HRF).