Il fut un temps où la France possédait le deuxième réseau diplomatique au monde, derrière les États-Unis. Ce temps est révolu. Dans le dernier classement de la diplomatie mondiale publié dimanche par le centre de réflexion australien The Lowy Institute, la France est tombée en 2023 en cinquième position, perdant deux places en un an. Figurant longtemps juste derrière les États-Unis, Paris était déjà passé troisième en 2019 lorsque Pékin avait décroché la première place. La Turquie et le Japon occupent désormais les troisième et quatrième places de ce classement qui se fonde sur le nombre d’ambassades et de consulats à travers les cinq continents.
Selon les calculs du Lowy Institute, qui a analysé les réseaux diplomatiques de 66 pays et territoires d’Asie, du G20 et de l’OCDE, la France a fermé 18 missions depuis 2016 – pour un total de 249 consulats et ambassades actuels. Christian Lequesne, auteur d’Ethnographie du Quai d’Orsay (CNRS Éditions, 2017), nuance toutefois cette baisse, qu’il ne voit pas comme le signe d’un déclin sur la scène internationale. Plutôt que des ambassades, Paris, explique-t-il, a fermé un certain nombre de postes consulaires, par souci budgétaire principalement. «La diplomatie française repose sur le principe de ce qu’on appelle l’universalité du réseau : on veut maintenir une présence partout, y compris par de petits postes, appelés PPD (postes de présence diplomatique)», explique le professeur à Sciences Po. Au Botswana, aux Fidji, en Moldavie ou encore au Soudan du Sud, la France compte ainsi sur de petites représentations avec le minimum de personnel, un ambassadeur, un conseiller politique et un conseiller culturel.
Au cours de la même période 2016-2024, Ankara a ouvert près de 30 nouvelles missions, pour atteindre 252 représentations au total. «Cela accompagne leur dynamique économique. La Turquie était déjà très présente au Moyen-Orient, et se déploie maintenant largement en Afrique», note Christian Lequesne. «Dans le secteur de la construction notamment, les Turcs concurrencent les Chinois dans les pays africains et cherchent à approfondir les liens culturels, via des bourses d’étudiants qu’ils envoient en Turquie».
Dans ces données récoltées par le centre de réflexion australien, la Chine reste en tête, avec 274 représentations diplomatiques dans le monde. Elle est talonnée par les États-Unis qui en comptent 271. Pékin occupe cette première place depuis 2019 déjà, signe des ambitions de la République populaire qui, déjà deuxième sur la scène de la puissance économique, vise la place de nouveau leader mondial pour son centenaire en 2049.
La stratégie de ces ambassadeurs chinois, qui usent d’une communication de plus en plus agressive depuis la période du Covid-19, est surnommée par les médias la «diplomatie des loups combattants», en référence au film Wolf Warrior 2, le plus grand succès du box-office chinois sorti en 2017. Par ce puissant réseau diplomatique, l’objectif chinois est également d’isoler Taïwan. À coups de financements et d’accords de coopération, Pékin arrache un à un ses alliés à Taïpei. Le dernier en date est le Nauru, petit État insulaire du Pacifique, qui a décidé en janvier de rompre ses liens avec Taïwan pour reprendre des relations formelles avec la Chine. Depuis, seuls 12 pays dans le monde restent encore fidèles à Taïpei au détriment de relations avec son voisin chinois.