Comment Vladimir Poutine compte-t-il assurer sa réélection à la tête de la fédération de Russie à la mi-mars ? Le Kremlin aurait mis en place un important réseau de propagande à destination de sa population ainsi qu’un solide contrôle de l’information dans le cadre de son «opération militaire spéciale» en Ukraine.
Le média en ligne estonien Delfi a en effet révélé une somme de documents, provenant de l’administration présidentielle russe dont les plus récents datent de décembre 2023. Ces documents ont été publiés dans une enquête conjointe de plusieurs médias européens, et montrent dans le détail comment le Kremlin a construit un grand réseau de propagande dont le budget, prévu pour trois axes majeurs que sont l’élection présidentielle, la guerre de l’information et la propagande dans les territoires occupés d’Ukraine, atteint 1,1 milliard d’euros.
On apprend notamment dans ces «Kremlin Leaks» que le gouvernement russe sous-traite la propagande d’Etat à un vaste de réseau d’organisations. Par exemple, le célèbre propagandiste Voloviev aurait reçu 15 millions d’euros, comme l’atteste également le budget public russe, et pourrait recevoir 30 millions d’euros pour l’année 2024, selon un des documents qui révèle le budget de la Fédération de Russie pour la nouvelle année.
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Selon une autre note datant d’octobre 2023, 15 des organisations sous-traitantes totaliseraient près de 4400 salariés avec un budget total de 600 millions d’euros. Parmi eux, l’Institut de développement de l’Internet (IRI) qui produit des séries télévisées, des films ou encore des applications mobiles de jeux à destination de la population. Selon les documents, l’objectif de l’IRI est de «renforcer l’identité civique et les valeurs spirituelles et morales» ainsi que «soutenir et diffuser le contenu gouvernemental».
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Dans la production de films en particulier, les œuvres de propagande doivent servir au moins l’un des objectifs fixés par l’IRI : «la défense des intérêts nationaux et des valeurs culturelles et sociétales», «l’évolution de la qualité de vie en Russie», «les héros du moment et les grands noms du pays» ou encore la cohésion avec les nouveaux territoires. L’enquête montre d’ailleurs qu’une équipe éditoriale est chargée depuis la fin d’année 2022 de superviser la production de chaque film, de l’écriture du scénario à la diffusion.
Dans le cadre de l’élection présidentielle, on apprend que le budget du Kremlin pour l’échéance électorale s’élève à 740 millions avec notamment la commande d’«études sociologiques» secrètes pour prendre au mieux la «température» de la société russe. Un document prévoit aussi, sur ordre de Poutine, la surveillance des employés du ministère russe de l’Éducation et l’identification parmi eux de «leaders d’opinion».
«Tout cela s’inscrit dans une tendance plus large selon laquelle la Russie est en train de devenir une société totalitaire. Ce n’est plus une fausse démocratie autoritaire», commente notamment Martin Kragh, directeur adjoint du Centre d’études est-européennes de Stockholm auprès du média V Square .
Pour les territoires occupés, les Kremlin Leaks révèlent aussi des mesures drastiques de contrôle de l’information, comme le développement du «Système automatisé de sécurité d’Internet» (ASBI), centre névralgique de la censure numérique russe qui, avec 90 millions d’euros de budget, doit permettre de «résister à la diffusion d’informations interdites […] dans les nouveaux territoires».
«C’est en effet l’ASBI qui administre le vaste réseau des TSPU, ces fameux ’boitiers’ qui permettent aux autorités russes de bloquer ou de ralentir les ’contenus indésirables’», a expliqué sur X à l’occasion de la diffusion de l’enquête Kevin Limonier, spécialiste du cyberespace russophone. «Grâce aux derniers développements technologiques, les TSPU sont en effet capables de bloquer des centaines de services VPN différents», détaille-t-il.
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